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que le canal est fait de pierre et que l’eau n’y peut produire aucun fruit ; toujours est-il qu’elle passe par ce canal de pierre et qu’elle arrive jusqu’au réservoir. Elle ne produit rien dans le canal, j’en conviens ; mais, parvenue au jardin, elle lui fait produire des fruits abondants. La vertu spirituelle des sacrements est comme la lumière, ceux qu’elle éclaire la reçoivent dans toute sa pureté et, pour passer en des milieux impurs, elle n’est nullement souillée. Que les ministres soient purs, qu’ils ne recherchent point leur propre gloire, mais la gloire de celui dont ils sont les ministres ; qu’ils ne disent pas : mon baptême, parce qu’il n’est pas le leur. Que Jean soit leur modèle. Cet homme était rempli du Saint-Esprit qui avait reçu du ciel, et non des hommes, la mission de baptiser ; mais dans quel but ? Uniquement, comme il l’a dit lui-même pour « préparer la voie au Seigneur [1] ». Mais aussitôt que le Seigneur a été connu, lui-même est devenu sa voie, et dès lors le baptême de Jean n’était plus nécessaire pour préparer la voie au Seigneur.
16. Cependant, qu’est-ce que les Donatistes, nous disent d’ordinaire ? Après Jean on a baptisé. En effet, avant que cette question ait été traitée à fond dans l’Église catholique, plusieurs, même de grands et saints personnages, sont tombés à cet égard dans l’erreur ; mais parce qu’ils étaient du nombre des membres de la colombe, ils ne s’en sont pas retranchés et en eux s’est accompli ce qu’a dit l’Apôtre : « Si vous pensez en quelque point autrement qu’il ne faut, Dieu vous le révélera[2] ». Aussi, pourquoi ceux qui se sont séparés de l’Église sont-ils devenus indociles ? Qu’ont-ils donc coutume de dire ? Voilà qu’après Jean on a baptisé ; et après les hérétiques on ne baptiserait pas ? Ainsi raisonnent-ils, parce que certaines personnes qui avaient reçu le baptême de Jean ont reçu de Paul l’ordre de se faire baptiser de nouveau[3] ; car elles n’avaient pas le baptême du Christ. Pourquoi donc exagérer le mérite de Jean et s’en faire un prétexte de nous reprocher le malheur des hérétiques ? Pour moi, je t’accorde que les hérétiques sont criminels ; mais, bien qu’hérétiques, ils ont donné le baptême du Christ et Jean ne l’a pas donné.
17 Je reviens à Jean, et je dis : « C’est celui-là qui baptise », Jean était meilleur qu’un hérétique, comme aussi il était meilleur qu’un homicide. Devons-nous réitérer le baptême donné par un homme qui vaut moins que Jean, par la raison que les Apôtres ont rebaptisé après le Précurseur ? Supposons qu’un donatiste ait été baptisé par un ivrogne ; je ne parle ici ni d’un homicide, ni du satellite d’un scélérat, ni du ravisseur du bien d’autrui, ni de ceux qui oppriment les orphelins, ni de ceux qui séparent les époux ; non, je ne parle pas de ces sortes de gens ; je parle seulement de ce qui est publiquement connu, de ce qui se voit tous les jours, je me borne à citer le nom que l’on donne à tous, même en cette ville, quand on leur dit : « Enivrons-nous, prenons du bon temps ; dans cette fête des premiers jours de janvier, on ne jeûne pas ». Vous le voyez, je vous parle de choses qui comptent pour rien, parce qu’elles arrivent tous les jours. Eh bien ! qu’une personne soit baptisée par un homme en état d’ivresse, je te demande lequel des deux, de Jean ou de l’ivrogne, est le meilleur ? Réponds, si tu peux, que ton ivrogne est meilleur que Jean ; tu n’oseras jamais. Toi qui es sobre, baptise donc après ton ivrogne. Car si les Apôtres ont baptisé après Jean, à bien plus juste titre l’homme sobre doit-il baptiser après l’ivrogne ? Mais tu diras peut-être : Cet ivrogne est en communion avec moi. Jean, l’ami de l’Époux, n’était donc pas en union avec l’Époux ?
18. Mais n’importe qui que tu sois, je te dis : qui est le meilleur, toi ou Jean ? Tu n’oseras pas dire : Je suis meilleur que Jean. Que tes partisans baptisent donc après toi, s’ils sont meilleurs que toi ; car, puisqu’on a baptisé après Jean, rougis si l’on ne baptise pas après toi. Tu me diras : Mais moi ; j’ai le baptême du Christ et j’enseigne en ce sens. Reconnais donc enfin le Juge, et ne sois pas un crieur orgueilleux. Tu donnes le baptême du Christ, c’est pourquoi on ne baptise pas après toi. On a baptisé après Jean, pourquoi ? Parce qu’au lieu de donner le baptême du Christ, il donnait le sien ; il avait, en effet, reçu le pouvoir de conférer ce baptême en son propre nom. Tu n’es donc pas meilleur que Jean, mais le baptême que tu donnes est meilleur que celui de Jean. Car c’est celui du Christ, tandis que celui de Jean était le sien, Le baptême donné par Paul et le baptême donné par Pierre, était celui du Christ, et si jamais Judas a donné le baptême, ç’a été celui du Christ,

  1. Jn. 1, 23
  2. Phil. 3, 15
  3. Act. 19, 3-5