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5. Les Juifs ont donc vu Jésus-Christ dans l’abaissement, et ils ne l’ont pas reconnu. Une lampe le leur montrait ; car d’abord cet homme, le plus grand de ceux qui sont nés de la femme, leur dit : « Je ne suis pas le Christ ». On lui demande ensuite : « Es-tu donc Élie ? » Il répond : « Je ne le suis pas ». Car le Christ devait envoyer Élie devant lui. Cependant il répond : « Je ne le suis pas » ; et par là il soulève une difficulté qu’il nous faut résoudre. Il est à craindre, en effet, que quelques-uns peu avancés dans la connaissance des Écritures ne croient voir une contradiction entre les paroles de Jean et celles de Jésus Christ. Le Sauveur parlant de lui-même dans un autre endroit de l’Évangile, ses disciples lui dirent : « Comment donc les scribes », c’est-à-dire les habiles dans la science de la loi, « disent-ils qu’Élie doit d’abord venir ? » Et le Seigneur leur dit : « Élie est déjà venu et ils l’ont traité comme ils ont voulu ; et si vous le voulez connaître, c’est Jean-Baptiste ». Notre-Seigneur Jésus-Christ répondit : « Élie est déjà venu, c’est Jean-Baptiste ». Cependant, Jean, interrogé, confesse qu’il n’est pas Élie, de la même manière qu’il avait confessé n’être pas le Christ. Et de fait, comme sa confession était véritable quand il reconnaissait n’être pas le Christ, elle ne l’était pas moins quand il reconnaissait n’être pas Élie. Comment accorder ensemble les paroles du juge et les paroles de celui qui l’annonce ? Il s’en faut de tout que le héraut soit un menteur ; car ce qu’il dit, il le dit sous l’inspiration du juge. Pourquoi donc Jean dit-il : « Je ne suis pas Élie », et le Seigneur : « Il est Élie ? » Parce que Notre-Seigneur a voulu par là annoncer figurément son avènement futur, et dire que Jean était venu dans l’esprit d’Élie. Car ce que Jean était pour le premier avènement, Élie le sera pour le second. Comme donc il y aura deux avènements du Juge, ainsi y aura-t-il deux envoyés qui l’annonceront ; le juge sera le même ; il y aura bien deux envoyés différents ; mais il n’y aura pas deux juges. Il fallait d’abord que le juge vint pour être jugé. Il s’est fait précéder d’un premier envoyé, qu’il a appelé Élie, parce qu’Élie sera pour le second avènement ce que Jean a été pour le premier.
6. Que votre charité remarque combien est vrai ce que je dis. Lorsque Jean fut conçu, ou plutôt lorsqu’il vint au monde, le Saint-Esprit fit de lui cette prophétie, qui devait s’accomplir un jour : « Il sera le précurseur du Très-Haut dans l’esprit et la vertu d’Élie [1] ». Il n’était donc pas Élie ; mais « il devait venir dans l’esprit et la vertu d’Élie ». Qu’est-ce à dire, « dans l’esprit et la vertu d’Élie ? » C’est-à-dire à la place d’Élie et dans le Saint-Esprit comme lui. Pourquoi à la place d’Élie ? Parce qu’au premier avènement Jean a rempli le rôle qu’Élie doit remplir au moment du second. Ainsi, la réponse de Jean est juste, mais au sens propre. Notre-Seigneur avait dit en figure : « Il est Élie ». Mais Jean dit au sens propre, ainsi que je l’ai expliqué : « Je ne suis pas Élie ». Si tu considères sous le rapport figuratif la mission de précurseur, Jean est Élie ; car ce qu’il est pour le premier avènement, Élie le sera pour le second. Mais si tu t’arrêtes à la propriété de la personne, Jean est Jean, Élie est Élie. C’est pourquoi Notre-Seigneur, parlant en figure, a dit avec justesse : « Il est Élie » ; et Jean, parlant selon la propriété des personnes, a dit avec non moins de justesse : « Je ne suis pas Élie ». Ni Jean, ni le Seigneur, ni le précurseur, ni le juge n’ont parlé contre la vérité ; seulement il faut les bien comprendre. Mais qui les comprendra ? Celui qui aura imité l’humilité du précurseur et reconnu la grandeur du juge. Rien, en effet, de plus humble que ce Précurseur. Mes frères, Jean n’a jamais eu de plus grand mérite que celui dont l’humilité a été pour lui la source, eu la circonstance présente : il pouvait, en effet, tromper les hommes et se faire regarder comme le Christ et passer pour lui (tant étaient grandes sa grâce et son excellence !) Cependant il t’a déclaré ouvertement et il l’a dit : « Je ne suis pas le Christ. Es-tu donc Élie ? » S’il avait dit : Je le suis, ç’aurait donc été le second avènement du Christ où il viendra comme juge, et non plus le premier où il est venu afin d’être jugé. Mais comme pour leur dire : Élie doit venir, il répond : « Je ne sus pas Élie ». Remarquez, cependant, qu’il s’agit du Christ humilié, dont Jean a été le précurseur, et non du Christ élevé en gloire que doit précéder Élie. Car voici le complément donné par Notre-Seigneur : « Jean est Élie

  1. Lc. 1, 17