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rayons tombés sur un corps étranger, le lever du soleil que nous ne pouvons encore voir de nos yeux. Comme ceux qui ont les yeux malades, sont capables de voir un mur, une montagne, un arbre, ou tout autre objet illuminé et éclairé par le soleil, et par le moyen de cette lumière autre que la sienne, de s’apercevoir qu’il est levé ; ce que leur regard trop faible ne peut découvrir directement : ainsi tons ceux vers qui Jésus-Christ était venu étaient trop peu à même de le voir. Il a répandu son éclat sur Jean ; et en avouant qu’il reçut les rayons et la lumière, qu’il n’était ni les rayons ni la lumière, Jean a fait connaître celui qui illumine, celui qui éclaire, celui qui remplit de sa plénitude. Et celui-là qui est-il ? « Celui qui éclaire tout homme venant en ce monde ». Car si l’homme n’était déchu d’ailleurs, il n’aurait pas eu besoin d’être éclairé de la lumière ; mais elle lui est nécessaire en ce monde, parce qu’il est déchu de l’endroit où il lui était loisible de l’avoir toujours.
8. Quoi donc ? S’il est venu ici, où était-il ? « Il était dans le monde ». Il était ici et il y est venu. Il y était par sa divinité, il y est venu var son incarnation ; car, bien qu’il fût ici par sa divinité, les ignorants, les aveugles et les méchants ne pouvaient le voir. Les méchants sont les ténèbres dont il est écrit : « La « lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise[1] ». Voici qu’il est ici à cette heure, et il y était, et il y est toujours ; jamais il ne s’en éloigne, et il y est partout présent. Il te faut de quoi voir ce qui ne s’éloigne jamais de toi ; il te faut ne pas t’éloigner du soleil qui remplit tous les lieux de sa présence. Pour ne pas être abandonné de lui, il ne faut jamais t’en séparer. Ne tombe pas et il ne disparaîtra pas ; si tu tombes, il disparaît à tes yeux. Si tu demeures debout, il est présent devant toi ; mais si tu n’es pas resté debout, souviens-toi d’où tu es tombé ; d’où tu as été précipité par celui qui est tombé avant toi. Il t’a précipité, non par la force, non par la violence, mais par un acte de ta volonté. Car, si tu n’avais pas consenti au anal, tu serais debout, et tu aurais continué à être éclairé. Mais maintenant que tu es tombé et que tu as été blessé au cœur, comment cette lumière pourra-t-elle venir jusqu’à toi ? Il est venu dans des conditions telles que tu fusses à même de le voir ; et il s’est montré homme à ce point de rechercher le témoignage d’un homme. Dieu a un homme pour témoin ; mais c’est à cause de l’homme : car nous sommes si faibles ! Au moyen de la lampe nous cherchons le jour, puisque Jean a été appelé une lampe, suivant ces paroles du Seigneur : « Il était une lampe ardente et luisante, et vous avez voulu pour un peu de temps vous réjouir à sa lumière ; pour moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean [2] ».
9. Il le montre donc ; c’est pour les hommes qu’il a voulu qu’une lampe le fît voir ; il l’a voulu pour exciter la foi de ceux qui devaient croire, et pour confondre par elle tous ses ennemis. Ces ennemis c’étaient ceux qui lui demandaient pour le tenter : « Dites-nous : Par quel pouvoir faites-vous ces choses-là ? – Et moi, leur répondit-il, je vous adresserai seulement une question : Dites-moi : le baptême de Jean, d’où est-il ? Du ciel, ou des hommes ? Et ils furent troublés, et ils se dirent en eux-mêmes : Si nous répondons du ciel, il nous dira : Pourquoi donc n’avez-vous pas cru à sa parole ? » Car il avait rendu témoignage à Jésus-Christ, et il avait dit : « Je ne suis pas le Christ, mais c’est lui[3] ; car ils dirent : « Nous ne savons pas ». Et parce qu’ils n’avaient pas voulu le laisser pénétrer dans leur âme, parce qu’ils avaient nié ce qu’ils savaient ; le Sauveur ne s’ouvrit pas non plus à eux, car ils n’avaient pas frappé. Il est dit, en effet : « Frappez et l’on vous ouvrira[4] ». Quant à eux, non seulement ils n’avaient pas frappé pour qu’on leur ouvrît ; mais, par leur mensonge, ils avaient même fermé la porte à leur propre détriment. Et moi, leur dit le Seigneur : « Je ne vous dis pas non plus par quel pouvoir je fais ces choses[5] ». Ainsi furent-ils confondus par Jean, et cette parole s’accomplit en eux : « J’ai préparé une lampe pour mon Christ, je couvrirai de confusion ses ennemis[6]. « Si, au contraire, nous répondons des hommes, nous craignons que le peuple ne nous lapide, parce qu’on regardait Jean comme un Prophète ». Craignant d’être lapidés, mais craignant davantage encore de dire la vérité, ils répondirent par un mensonge à la vérité, mais l’iniquité se mentit à elle-même[7] ».

  1. 1 Jn. 1, 5
  2. Jn. 5, 35-36
  3. Id. 1, 20, 27
  4. Mt. 7, 7
  5. Id. 21, 23-27 ; Marc, 11, 28, 33 ; Luc, 20, 2, 8
  6. Ps. 121, 17-18
  7. Ps. 26, 12