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7. « Louez-le sur le tambour et au son des chœurs »[1]. Nous louons Dieu sur le tambour quand notre chair heureusement changée ne ressent plus rien de la faiblesse et de la corruption de la terre. On prend en effet pour le tambour une peau desséchée et durcie. Louer Dieu en chœur, c’est le bénir dans une société paisible. « Louez-le sur les cordes et sur l’orgue ». Comme nous l’avons dit plus haut, le psaltérion et la harpe sont des instruments à cordes. Quant à l’orgue, c’est le nom générique de tous les instruments de musique ; bien que d’ordinaire on désigne plus particulièrement ainsi des instruments à soufflets, ce que je ne crois pas que l’on ait voulu indiquer ici. Car le mot organum désignant en général tous les instruments à soufflets, est un mot grec, et les Grecs avaient un autre nom pour ces instruments. Les appeler du nom d’orgues est donc une exigence latine, une exigence de la coutume. Cette expression dès lors : « sur les cordes et sur l’orgue », semble désigner un instrument pourvu de cordes. Or, ce n’est pas seulement le psaltérion et la harpe qui sont pourvus de cordes ; mais de même que le psaltérion et ta harpe, qui résonnent soit d’en haut soit d’en bas, nous ont fait découvrir quelque mystère analogue à cette différence, de même nous devons chercher quelque analogie dans ces cordes qui nous désignent la chair, et la chair délivrée de la corruption. Peut-être le Prophète y joint-il ce mot d’orgue, non pour que chacune des cordes rende un son particulier, mais pour que la diversité des sons y produise la plus suave harmonie, comme il arrive dans l’orgue. Car les saints de Dieu auront même alors des différences entre eux, mais des différences harmonieuses, et non discordantes, c’est-à-dire des différences qui s’accordent sans se heurter aucunement ; de même que des sons différents, mais non discordants, forment une heureuse harmonie. « Une étoile diffère en clarté d’une autre étoile ; ainsi en sera-t-il à la résurrection des morts »[2].
8. « Louez-le sur des cymbales retentissantes, louez-te sur les cymbales de la joie »[3]. Ce n’est qu’en frappant les cymbales que l’on produit des sons ; de là vient qu’on les a parfois comparées à nos lèvres. Mais il me semble qu’on leur donne un sens bien préférable en disant qu’on loue Dieu sur des cymbales, quand chaque fidèle est honoré par ses frères et non par lui-même, et que cet honneur mutuel devient pour Dieu une louange. Aussi, de peur, je crois, que la pensée ne s’arrête sur des cymbales qui résonnent sans âme, le Prophète ajoute : « cymbales de la jubilation » ; car la jubilation ou l’ineffable louange ne saurait venir que de l’âme. N’oublions pas toutefois que, au dire des musiciens et comme l’expérience le démontre, il y a trois sortes de sons, que produisent la voix, le souffle, l’impulsion ; la voix, quand un homme chante sans le secours d’aucun instrument ; le souffle, qui donne les sons de la flûte ou de quelque instrument semblable ; et l’impulsion, comme dans la harpe ou tout ce qui lui ressemble. Le Prophète n’a donc oublié aucun son ; il nous marque la voix dans les chœurs, le souffle dans la flûte, l’impulsion dans la harpe. Ce qui nous montrerait par comparaison et non par propriété, l’esprit, l’âme et le corps. Quand donc le Seigneur nous dit : « Louez le Seigneur dans ses saints », à qui s’adresse-t-il, sinon à eux-mêmes ? Et en qui doivent-ils louer Dieu, sinon en eux-mêmes encore ? Car vous qui êtes ses saints, comme le dit le Prophète, vous êtes aussi sa vertu, mais la vertu qu’il a opérée en vous ; vous êtes sa puissance, comme la multitude de sa grandeur, mais qu’il a opérée et fait paraître en vous vous êtes la trompette, le psaltérion, la harpe, le tambour, le chœur, les cordes, l’orgue et les cymbales de la jubilation, qui donnent des sons mélodieux ou des sons en accord. Vous êtes tout cela ; que la pensée ne s’arrête à rien de vil, à rien de passager, à rien de futile. Et comme la sagesse de la chair est mortelle, « que tout esprit loue le Seigneur »[4].

  1. Ps. 150,4
  2. 1 Cor. 15,41-42
  3. Ps. 150,5
  4. Ps. 150,6