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quand ils n’étaient que neige, ou frimas, ou cristal, est le juste châtiment de leur orgueil et de leur révolte contre Dieu, Remontons à l’origine de notre chute, et voyons combien le psaume a dit vrai quand il chante : « J’ai péché avant d’être humilié[1] ». Mais celui qui dit : « J’ai péché avant d’être humilié », dit aussi « C’est pour mon bien que vous m’avez humilié, afin que j’apprenne les moyens de votre justice[2] ». Ces moyens de justice, Dieu les a enseignés à Jacob, en mettant Jacob en lutte avec un ange ; et dans la personne de cet ange le Seigneur luttait lui-même. Jacob le retint, lui fit violence pour le retenir, et parvint à le retenir en effet. Dieu se laissa retenir par miséricorde, et non par faiblesse. Jacob lutta donc, et prévalut, et retint le Seigneur : et il pria celui qu’il semblait avoir vaincu, de le bénir[3]. Quelle idée se faisait-il de cet adversaire contre qui il luttait, et qu’il retenait ? Pourquoi le retenir, et user ainsi de violence ? « C’est que le royaume des cieux souffre violence, et que les violents seuls peuvent le ravir[4] ». Pourquoi donc lutter, sinon parce qu’il faut de grands efforts ? Pourquoi ne recouvrons-nous qu’avec peine ce que nous perdons si facilement ? C’est afin que cette peine à le recouvrer nous apprenne à ne point le perdre. Que l’homme donc s’efforce de conserver ; et il sera plus ferme à conserver ce qu’il n’aura recouvré qu’avec peine. Donc le Seigneur manifesta ses desseins à Jacob, à Israël ; et pour parler plus clairement, c’est par un juste décret du Seigneur que les justes doivent subir ici-bas les fatigues, les dangers, les chagrins et les douleurs. Celui-là seul peut dire qu’il a souffert sans sujet, bien que ce ne soit pas absolument sans sujet, puisque c’était pour nous, qui seul peut dire aussi : « Je payais ce que je n’avais point enlevé[5] », qui seul peut dire : « Voici venir le prince de ce monde, et il ne trouvera rien en moi ». Comme si quelqu’un lui disait : Pourquoi donc souffrez-vous ? il ajoute : « Mais afin que tous comprennent que j’accomplis là volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici[6] ». Quant aux autres, qui souffrent tous pour leurs péchés, par un juste jugement de Dieu, et quand même ils souffriraient pour la justice, qu’ils ne s’arrogent pas l’honneur de souffrir innocemment comme le Christ. Écoute l’apôtre saint Pierre « Il est temps que le jugement commence par la maison du Seigneur ». Quand il exhorte les martyrs, les témoins de Dieu, à supporter avec patience les menaces et les fureurs du monde, il leur dit : « Il est temps que le jugement commence par la maison du Seigneur ; si donc il commence par nous quelle sera la fin de ceux qui ne croient point à l’Évangile ? Si le juste est à peine sauvé, où paraîtront le pécheur et l’impie[7] ? Le Seigneur annonce à Jacob sa parole, ses décrets et ses justices à Israël ».
28. « Il n’a point traité ainsi toutes les nations ». Que nul ne vienne vous tromper ; on n’a prêché à aucun peuple ce secret de Dieu’ qui condamne à la douleur le juste et l’injuste, ni comment tous l’ont mérité, ni comment la grâce de Dieu délivre le juste, et non pas ses mérites. Que faisons-nous donc, si ce décret n’a été prêché à aucun peuple, mais seulement à Jacob, seulement à Israël ? Où serons-nous ? Dans Jacob, dans Israël. « Il ne leur a point manifesté ses jugements ». À qui ? À tous les peuples. Pourquoi toutes les neiges ont-elles été appelées après que le cristal a été fondu ? Comment toutes les nations ont-elles été appelées après que Paul a été justifié ? Comment, sinon afin qu’elles fussent dans Jacob ? On a coupé l’olivier sauvage pour le greffer sur l’olivier franc[8]. Ils appartiennent maintenant à l’olivier ; on ne doit plus les nommer les nations, mais une seule nation en Jésus-Christ, la nation de Jacob, le peuple d’Israël. Pourquoi la nation de Jacob, la nation d’Israël ? Parce que Jacob est issu d’Isaac, et Isaac d’Abraham. Or, que fut-il dit à Abraham ? « En ta postérité seront bénies toutes les nations[9] ». Cette même parole a été répétée à Isaac et à Jacob. Nous appartenons donc à Jacob, puisque nous appartenons à Isaac, nous appartenons à Abraham. Car la postérité d’Abraham, ce n’est ni moi qui le dis, ni aucun autre homme, c’est saint Paul qui le dit, cette postérité c’est le Christ. Et il ajoute : « L’Écriture ne dit point : Et dans ceux qui naîtront de vous, comme s’il y avait plusieurs ; mais elle dit, comme en parlant d’un seul : En celui qui naîtra de vous, et c’est le Christ[10] ». Si donc il n’y a qu’une seule postérité, qu’un seul Jacob,

  1. Ps. 118,67
  2. Id. 71
  3. Gen. 32,24-26
  4. Mt. 11,12
  5. Ps. 68,5
  6. Jn. 14,30-31
  7. 1 Pi. 4,4.17-18
  8. Rom. 11,17
  9. Gen. 22,18 ; 26,4 ; 28,14
  10. Gal. 3,16