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D’où vient qu’il est le froid de Dieu ? Qu’il abandonne le pécheur, qu’il ne l’appelle point, qu’il ne lui ouvre point l’esprit, qu’il ne répande pas en lui sa grâce, que l’homme dissolve, s’il le peut, les glaces de sa folie. Il ne le peut. Pourquoi ne le peut-il ? « Qui pourra se maintenir en présence de son froid ? » Vois-le se durcir comme une glace, et dire : « Je sens dans mes membres une autre loi qui est contraire à la loi de l’esprit, et qui me retient captif sous la loi des péchés qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? » Voilà que le froid me saisit et me glace ; quelle chaleur viendra me délier, afin de prendre ma cause ? « Qui me délivrera du corps de cette mort ? Qui pourra se maintenir en présence de son froid ? » Qui pourra se délivrer si Dieu ne le délivre ? D’où vient la délivrance ? « De la grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ[1] ». Écoute la grâce de Dieu, dans notre psaume : « Il envoie son cristal comme des morceaux de pain : qui pourra se maintenir en présence de son froid ? » Faut-il donc désespérer ? Loin de là. Car le Prophète continue : « Il enverra son Verbe, qui va les dissoudre[2] ». Arrière donc tout désespoir, et pour la neige, et pour le brouillard, et pour le cristal. La neige est en effet comme la laine dont on fait un vêtement. Le brouillard trouve le salut dans la pénitence ; puisque « Dieu appelle ceux qu’il a prédestinés[3] ». Quel que soit l’endurcissement des prédestinés, bien que le temps ait endurci leur glace, et les ait changés en cristal, ils ne seront point trop durs pour la divine miséricorde. « Dieu enverra son Verbe, qui va les dissoudre ». Qu’est-ce à dire, « les dissoudre ? » Ne donnons pas à cette expression une interprétation défavorable, elle signifie que Dieu les fondra, les rendra liquides. C’est en effet l’orgueil qui les endurcit ; et l’on donne avec raison à l’orgueil le nom d’engourdissement ; car tout ce qui est engourdi est froid. Or, les hommes qui ont ressenti un froid vif nous disent tous les jours : Je suis engourdi. Donc l’orgueil est un engourdissement. « Dieu enverra son Verbe et les fera couler ». Et de fait, des amas de neige se liquéfient et s’abaissent sous l’action de la chaleur. Le froid donc élève un monceau de neige, et l’orgueil élève les insensés. « Dieu enverra son Verbe, et les rendra liquides ». Voilà donc Saul qui est un cristal endurci après la mort et la lapidation d’Étienne ; son endurcissement le rendit insensible contre le Christ, et il vient demander aux prêtres des lettres contre les chrétiens, ne respirant que le meurtre. Le voilà endurci, c’est un glaçon en face du feu de Dieu. Quels que soient néanmoins son endurcissement et sa glace, voilà que celui qui envoie son Verbe, et qui les rend liquides, s’écrie avec feu du haut du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter[4] ? » Parole unique, et néanmoins ce cristal si dur est dissous. « Il enverra son Verbe, et les rendra liquides ». Ne désespérons pas du cristal, encore moins de la neige, ou du brouillard, Non, que le cristal ne nous désespère point. Écoutez une parole de ce même cristal : « J’ai été d’abord blasphémateur, persécuteur, insulteur ». Mais pourquoi Dieu a-t-il liquéfié ce cristal ? Pour que la neige ne désespère point d’elle-même. Car le même cristal ajoute : « J’ai obtenu miséricorde, afin que le Christ fît éclater en moi toute sa patience, et que je servisse d’exemple à ceux qui doivent croire en lui pour la vie éternelle[5] ». Tel est donc le cri de Dieu aux nations : J’ai fondu le cristal, venez, ô vous qui êtes la neige. « Il enverra son Verbe, et les rendra liquides, son esprit soufflera, et les eaux couleront ». Voilà que le cristal et les neiges se dissolvent, et s’en vont en eaux ; qu’ils viennent, ceux qui ont soif, et qu’ils boivent. Saul était dur comme le cristal, et il persécuta Étienne jusqu’à la mort ; et voilà que Paul, devenu eau vive, invite les nations aux véritables sources. « Son esprit soufflera, elles eaux couleront. C’est un esprit de chaleur, et de là vient cette parole d’un autre psaume : « Seigneur, changez notre captivité, comme les torrents au souffle du Midi[6] ». Jérusalem captive à Babylone était gelée en quelque sorte au souffle du Midi ; cette glace de la captivité s’est fondue, et la ferveur de la charité s’est élancée vers Dieu. « Son esprit soufflera et les eaux couleront. Il se formera en eux une source d’eau qui jaillira jusqu’à la vie éternelle[7] ».
27. « Il annonce sa parole à Jacob, ses décrets et ses jugements à Israël[8] ». Quels décrets et quels jugements ? Il déclare que toutes les douleurs endurées par les hommes,

  1. Rom. 7,23-25
  2. Ps. 147,18
  3. Rom. 8,30
  4. Act. 9,1-4
  5. 1 Tim. 1,13-16
  6. Ps. 125,4
  7. Jn. 4,14
  8. Ps. 147,19