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eût voulu demeurer ferme parmi ceux qui tuaient les Prophètes et lapidaient ceux qui leur étaient envoyés ? A Dieu ne plaise qu’il s’arrête à la pensée de cette Jérusalem, ce cœur si ardent, si brûlant d’amour, si impatient d’arriver à cette Jérusalem qui est notre mère, et dont l’Apôtre a dit qu’elle subsiste éternellement dans le ciel[1] !
4. Écoute enfin, au lieu de m’en croire ; écoute ce qui suit, et sur quelle Jérusalem il appelle nos pensées. Après avoir dit : « Nos pieds étaient fermes dans les parvis de Jérusalem » ; comme si nous lui demandions : De quelle Jérusalem nous parlez-vous, sur quelle Jérusalem appelez-vous notre attention ? le Prophète ajoute aussitôt : « Cette Jérusalem que l’on bâtit comme une cité ». Mes frères, lorsque David parlait ainsi, Jérusalem était construite, on ne la bâtissait point. Il parle donc de je ne sais quelle autre ville, que l’on bâtit maintenant, et où courent avec foi ces pierres vivantes dont saint Pierre a dit : « Et vous-mêmes, soyez établis comme des pierres vivantes, pour former un édifice selon l’esprit[2] » ; c’est-à-dire le temple saint de Dieu. Que veut lire : « Soyez construits comme des pierres vivantes ? » Tu vis, si tu as la foi. Et si tu as la foi, tu deviens le temple de Dieu, car saint Pan ! a dit « Vous êtes le temple de Dieu, oui vous êtes ce temple[3] ». Cette ville donc se bâtit maintenant. La main de ceux qui prêchent la vérité tire les pierres des montagnes, et les taille pour les faire entrer dans l’éternelle construction. Le divin architecte a dans les mains beaucoup de pierres encore ; qu’elles ne tombent point, afin qu’elles puissent être taillées et entrer dans la construction. Telle est donc « la Jérusalem que l’on bâtit comme une cité », et dont le fondement est le Christ. « Personne », dit l’Apôtre, « ne saurait en poser d’autre que celui qui a été posé, et ce fondement c’est le Christ[4] ». Quand on pose un fondement dans la terre, les pierres se construisent par-dessus, en sorte que le poids des murailles tend vers le bas, parce que c’est en bas qu’est placé le fondement. Mais si notre fondement est dans le ciel, c’est vers le ciel que doit s’élever notre édifice. Des forces corporelles ont élevé jadis cette construction, les murailles de cette vaste basilique ; et parce qu’elles sont terrestres, elles ont placé les fondements en bas ; mais, pour notre édifice, comme il est spirituel, le fondement est placé en haut. C’est là qu’il nous faut courir, si nous voulons entrer dans l’édifice ; c’est en effet de cette Jérusalem qu’il est dit : « Nos pieds demeuraient fermes dans les parvis de Jérusalem ». De quelle Jérusalem ? De la Jérusalem que l’on bâtit comme une ville. C’est trop peu nous désigner cette Jérusalem, que nous dire qu’on la bâtit comme une ville, car on peut l’entendre encore d’un édifice matériel. Mais enfin, que répondre à l’homme qui nous dirait : Il est vrai qu’au temps de David, lorsqu’il chantait ainsi, la ville était complètement bâtie ; mais David voyait en esprit qu’elle tomberait en ruine, et qu’on la bâtirait de nouveau. Jérusalem, en effet, fut emportée d’assaut, et son peuple fut emmené captif à Babylone, ce que l’Écriture appelle la transmigration de Babylone. Or, le prophète Jérémie avait prédit que cette ville, détruite par ses ennemis, pourrait être rebâtie[5]. C’est là peut-être, nous dira-t-on, ce que David voyait en esprit, Jérusalem détruite par ses ennemis, et devant se reconstruire soixante-dix ans plus tard ; de là cette expression : « Jérusalem que l’on bâtit comme une ville » : gardons-nous de croire alors que la ville, dont il est ici question, soit cette ville dont les saints seraient comme les pierres vivantes. Que dit-il ensuite, pour lever tous nos doutes ? « Nos pieds », dit-il, « se tenaient affermis dans les parvis de Jérusalem ». Mais de quelle Jérusalem est-il question ?, Est-ce de cette Jérusalem que nous voyons et dont les murs sont matériels ? Non ; mais de la Jérusalem « que l’on construit comme une ville ». Pourquoi « comme une ville », et non pas « cette ville que l’on bâtit ? » Pourquoi, sinon parce que cette construction de murailles, qui formait la Jérusalem visible, était une ville dans le langage de chacun ; tandis que l’autre était « comme une ville », parce que ceux qui font partie de sa construction, en sont « comme les pierres vivantes », et non des pierres en réalité. De même que ceux-ci ressemblent aux pierres, sans être des pierres, de même, c’est « comme une ville », et non pas une ville qu’ils bâtissent. Le Prophète emploie le mot édifier, d’où vient édifice, qui s’entend de la construction et de la liaison des murailles matérielles, tandis qu’une ville se prend, à proprement

  1. Gal. 4,26 ; 2 Cor. 5,1
  2. 1 Pi. 2,5
  3. 1 Cor. 3,17
  4. Id. 11
  5. Jer. 29,4-10