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non à vos yeux. Comment à ses propres yeux ? Ayant pour lui-même des complaisances, et dès lors il vous déplaira : « Car devant vous nul homme vivant ne paraîtra juste ». N’entrez donc point en jugement avec moi, je vous en supplie, ô mon Dieu. Quelle que soit ma justice à mes propres yeux, vous tirez de vos trésors la règle infaillible, vous l’appliquez surmoi, et vous nue trouvez tortueux. « N’entrez point en jugement avec votre serviteur ». Oui, « avec votre serviteur ». Il est indigne de vous, ô Dieu, d’entrer en jugement avec celui qui vous sert, non plus qu’avec votre ami. Autrement vous ne diriez point : « Je vous le déclare, à vous qui êtes mes amis[1] », si de vos serviteurs vous ne les aviez faits vos amis. Bien que vous me donniez le nom d’ami, je confesse que je ne suis qu’un serviteur. J’ai besoin de miséricorde, je reviens de mes égarements, implorant mon pardon, et indigne d’être appelé votre fils[2]. « N’entrez donc pas en jugement avec votre serviteur ; car nul homme vivant ne sera juste à vos yeux. Ne louez personne avant sa mort[3] ». Nul homme donc absolument. Que dirons-nous de ces chefs du troupeau, de ces apôtres dont il est dit : « Offrez au Seigneur les fils des béliers[4] ». L’un d’eux, saint Paul, sait bien, nous dit-il, qu’il n’est point parfait : « Non pas que j’aie déjà reçu, ou que je sois parfait[5] ». En un mot, mes frères, ils ont appris à faire la même prière que nous, le divin Jurisconsulte leur a prescrit la même règle de supplications. « C’est ainsi que vous prierez[6] », leur dit-il, et après quelques articles qui précèdent il prescrivit ce que devaient dire ces béliers, ces chefs du troupeau, ces principaux membres du Pasteur suprême, de celui qui rassemble toutes les brebis en un seul troupeau ; ils apprirent à dire ; « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent[7] ». Ils ne dirent point : Nous vous rendons grâces parce que vous nous avez remis nos dettes, comme nous remettons, nous aussi, à ceux qui nous doivent ; mais bien : remettez-nous comme nous remettons. Déjà, sans doute, les Apôtres priaient, les fidèles priaient ; car cette prière est enseignée par le Sauveur principalement à ceux qui lui sont fidèles ; si l’on entendait par ces dettes celles qui sont remises au baptême, les catéchumènes principalement devraient dire : « Remettez-nous nos dettes ». Que les Apôtres donc disent eux-mêmes : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent ». Et quand on leur dira : Pourquoi ce langage ? quelles sont vos dettes ? qu’ils répondent : « Nul homme vivant ne sera justifié en votre présence ».
7. « Car l’ennemi a persécuté mon âme, il a humilié ma vie sur la terre[8] ». Voyez-nous, Seigneur, voyez notre chef pour nous : « C’est que l’ennemi a persécuté mon âme ». Le diable, en effet, a persécuté l’âme du Christ, Judas l’âme de son maître ; et maintenant encore le même diable continue à persécuter le corps du Christ ; à Judas succède un autre Judas. Le corps du Christ ne manque pas d’ennemi, et dès lors il peut dire : « Voilà que l’ennemi a persécuté mon âme, il a humilié ma vie sur la terre ». Au lieu de cette parole : « Il a humilié ma vie sur la terre », nous lisons ailleurs : « Ils ont courbé mon âme[9] ». Quel est en effet le but que se propose à notre égard son persécuteur, sinon de nous détourner de toute espérance du ciel, et de nous inspirer le goût de la terre ? C’est là ce qu’ils font eux-mêmes autant qu’il est en eux ; mais Dieu nous préserve d’un tel malheur, nous à qui il est dit : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, ayez du goût pour les choses du ciel où le Christ est assis à la droite de Dieu ; cherchez ce qui est du ciel, et non ce qui tient à la terre ; car vous êtes morts[10] ». Nul homme vivant, en effet, ne sera justifié devant Dieu. Ces persécuteurs donc, soit à force ouverte, soit par de secrètes embûches, s’efforcent de nous amener à la vie terrestre. Soyons en garde contre eux, afin de pouvoir dire : « Toute notre conversation est dans le ciel[11]. L’ennemi », dit le Prophète, « a humilié ma vie sur la terre ».
8. « Ils m’ont placé dans les ténèbres, comme les morts du siècle ». Ces paroles conviennent mieux à notre chef, et se comprennent mieux en lui. Il est mort en effet pour nous, mais il n’est pas un mort du siècle. Quels sont, en effet, les morts du siècle ? et comment notre chef n’est-il pas un mort du siècle ? Ceux-là sont les morts du siècle, qui sont morts justement, qui ont reçu le châtiment de l’iniquité, qui

  1. Lc. 12,4
  2. Id. 15,21
  3. Sir. 11,30
  4. Ps. 28,1
  5. Phil. 3,12
  6. Mt. 6,9
  7. Id. 12
  8. Ps. 142,7
  9. Id. 56,7
  10. Col. 3,1-3
  11. Phil. 3,20