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Parce qu’ils ne subsisteront pas dans leur misère.
17. « Je connais que le Seigneur fera justice au pauvre[1] ». Ce pauvre n’est donc point grand parleur. Car le grand parleur veut l’abondance, et ne peut souffrir la pauvreté. Ceux-là sont pauvres à qui le Prophète a dit : « Frappez et l’on vous ouvrira, cherchez et vous trouverez, demandez et il vous sera donné[2] ». Celui-là est pauvre, dont il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés[3] ». Ils gémissent parmi les scandales des méchants, ils en appellent à leur chef, afin qu’il les délivre de l’homme méchant, qu’il les arrache à l’homme de l’iniquité, aux mains des hommes injustes. Tels sont les hommes dont le Seigneur ne dédaignera point la cause : quelles que soient leurs afflictions en cette vie, leur gloire doit éclater quand leur chef apparaîtra. Parce que ces hommes sont sur la terre, saint Paul leur dit « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ[4] ». Nous sommes donc des pauvres, notre vie est cachée, appelons notre pain céleste. Car il est un pain vivant qui descend du ciel[5], et celui qui nous fortifie en chemin nous rassasiera dans la patrie. Maintenant il rétablit nos forces afin de nous faire vivre. Mais il nous faut endurer la faim jusqu’à ce que nous soyons rassasiés. « Je connais que le Seigneur fera justice au pauvre et vengera l’indigent ». Il montrera aux hommes d’iniquité comme il aime ses pauvres. Ce que le Prophète appelle riches, ce sont les orgueilleux ; ce qu’il nomme pauvres, ce sont les humbles ; il appelle riches ceux que l’abondance dispense de chercher, pauvres ceux que leurs désirs font soupirer. Dieu leur fera justice.
18. « Toutefois les justes confesseront votre nom[6] ». Quand vous prendrez leur cause en main, quand vous leur rendrez justice, ils confesseront votre nom ; ils n’attribueront rien à leurs mérites, mais ils attribueront tout à votre miséricorde. « Toutefois les justes confesseront votre nom ». Et quand ils confesseront votre nom de manière à ne rien attribuer à leur justice, quelque grande qu’elle soit, comment se fera-t-il qu’ils dresseront leur cœur ? Tourner leur cœur vers eux-mêmes, c’est le rendre tortueux ; le tourner vers Dieu, c’est le redresser. Dès lors, où trouveront-ils leur bien, leur repos, leur joie, leur félicité ? En eux-mêmes ? Non, mais en celui qui les a fait lumière. « Maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur[7] », dit saint Paul. Vois ce que dit ensuite le Prophète, vois sa conclusion : « Les hommes droits habiteront dans votre face ». Ils n’ont habité en eux-mêmes que pour leur perte, leur félicité sera d’habiter dans votre face. Aimer leur face, c’était manger leur pain à la sueur de leur front[8]. Qu’ils reviennent, essuyant leur sueur, mettant fin à leurs travaux et à leurs gémissements, et votre face, ô mou Dieu, leur donnera l’abondance. Ils ne chercheront rien de plus, parce qu’il n’est rien de meilleur, ils ne s’éloigneront plus de vous, et vous ne les éloignerez plus. Qu’est-il dit en effet du Christ après sa résurrection ? « Vous me comblerez de joie par la lumière de votre face[9] ». S’il ne nous montrait sa face, Dieu ne serait point notre joie. Ce qui nous porte à purifier notre face, c’est l’espoir de jouir de la face de Dieu. « Car nous sommes les enfants de Dieu, et ce que nous serons ne nous apparaît pas encore ; nous savons que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui ; car nous le verrons tel qu’il est[10]. Puisque les justes habiteront dans la lumière de son visage ». Faut-il croire que ce sera la face du Père, et non celle du Fils ? ou bien la face du Fils et non celle du Père ? Doit-on admettre que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint n’ont en quelque sorte qu’une même face ? Voyons si le Fils ne nous aurait point promis de nous montrer sa face pour combler notre joie. C’est Dieu lui-même qui nous a fait lire ce passage de l’Évangile, qui est proprement la confirmation de notre psaume. Voici en effet ce que dit le Sauveur : « Celui qui écoute mes préceptes et les met en pratique, est celui qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai, et me montrerai à lui »[11]. Quelle récompense nous promet-il, mes bien-aimés ? Ne le voyaient-ils donc pas, ceux à qui il promettait de se montrer ? N’était-il pas devant eux ? Ne voyaient-ils pas son visage en sa chair ? Comment voulait-il se montrer à ceux qui le voyaient ? Mais les disciples

  1. Ps. 139,13
  2. Mt. 7,7
  3. Id. 5,6
  4. Col. 3,3
  5. Jn. 6,41
  6. Ps. 139,14
  7. Eph. 5,8
  8. Gen. 3,19
  9. Ps. 15,11
  10. Jn. 3,2
  11. Jn. 14,21