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n’y a en Dieu ni droite ni gauche ; mais la droite de Dieu s’entend de ce bonheur suprême, ainsi nommé parce qu’on ne saurait le montrer aux yeux. Telle est la droite qui m’a donné le salut, mais non un salut temporel. Crispine fut mise à mort, mais Dieu l’avait-il donc abandonnée ? Il ne la sauva point de sa gauche, mais il la sauva de sa droite. Quels ne furent point les tourments des Macchabées[1] ! Les trois enfants au contraire bénissaient Dieu en marchant au milieu des flammes[2]. Aux uns le salut vint de la droite de Dieu, aux autres de la gauche. Quelquefois donc il n’accorde pas à ses saints le salut de la gauche, mais toujours celui de la droite ; quant aux impies, il leur accorde parfois le salut de la gauche, mais non celui de la droite. Les bourreaux de Crispine avaient la santé du corps ; elle mourut et ils vivent. À eux le salut de la gauche, à Crispine le salut de la droite. « Et votre droite m’a sauvé ».
15. « Seigneur, vous rendrez, et non moi[3] ». Ce n’est point moi qui rendrai, mais vous. Que mes ennemis se livrent à leur fureur, vous leur rendrez ce que je ne puis leur rendre. « C’est vous, Seigneur, qui rendrez pour moi ». Jetez les yeux sur notre chef, qui nous a donné l’exemple afin que nous suivions ses traces. « Lui qui n’a point commis le péché, et dans la bouche de qui ne s’est point trouvé le mensonge : quand on le maudissait, il ne répondait point par la malédiction, il disait : Seigneur, vous leur rendrez pour moi ; quand on le jugeait, il ne menaçait point, mais il s’abandonnait à celui qui le jugeait avec injustice[4] ». Que signifie : « Seigneur, vous leur rendrez pour moi ? Pour moi », répond-il, « je ne cherche point ma gloire, il est quelqu’un qui la cherche et qui juge[5]. Mes bien-aimés », dit l’Apôtre, « ne cherchez point à vous venger, mais laissez passer la colère ; car il est écrit : La vengeance est à moi, c’est moi qui la ferai, dit le Seigneur[6]. Seigneur, vous me vengerez, et non pas moi ».
16. Il est un autre sens qu’il ne faut pas négliger, qui est peut-être même préférable : « Seigneur Jésus-Christ, vous rendrez, et non pas moi ». Car si je rends, j’ai pris ; mais vous, Seigneur, vous avez payé sans avoir pris. « Seigneur, vous rendrez à ma place ». Voyez comme il rend pour nous ; on vient réclamer le tribut, et on exigeait le didrachme, ou deux drachmes pour tout homme ; on vient donc réclamer le tribut au Sauveur, ou plutôt, non point à lui, mais à ses disciples, et on leur dit : « Votre maître ne paye-t-il point le tribut ? » Ils l’allèrent dire au Sauveur ; et celui-ci : « De qui les rois de la terre exigent-ils le tribut ? de leurs enfants ou des étrangers ? Des étrangers », répondirent-ils. « Donc les enfants sont libres », dit le Sauveur. « Toutefois, afin de ne point les scandaliser, allez », dit-il à Pierre, « et jetez votre hameçon à la mer, et au premier poisson qui sortira de l’eau ouvrez la bouche, vous y trouverez un statère » c’est-à-dire deux didrachmes ; car le statère est une pièce de monnaie qui vaut quatre drachmes. « Vous le trouverez là et vous le donnerez pour moi et pour vous[7]. Seigneur vous rendrez à ma place ». Il est donc heureux pour nous d’avoir le premier poisson pris à l’hameçon, saisi à l’hameçon, le premier sorti de la mer, le premier-né d’entre les morts. C’est dans sa bouche que nous trouvons deux didrachmes, ou quatre drachmes, c’est-à-dire que dans sa bouche nous trouvons les quatre Évangiles. Or, ces quatre drachmes nous délivrent de toute exaction de la part du monde : car au moyen des quatre Évangiles nous ne sommes plus en dette, puisque tous nos péchés nous sont remis. Le Christ a donc payé pour nous ; rendons grâces à sa miséricorde. Il ne devait rien, et dès lors il n’a point payé pour lui, mais pour nous. « Voilà », dit-il, « que vient le prince du monde, et il ne trouvera rien en moi ». Qu’est-ce à dire, « il ne trouvera rien en moi ? » Il ne trouvera en moi aucun péché, il n’a aucun motif de m’envoyer à la mort. Mais afin », dit-il, « que tous comprennent que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici[8] ». En quel sens, « levez-vous, sortons d’ici ? » c’est-à-dire, ce n’est point par nécessité, mais volontairement que je souffre, rendant ce que je ne dois point. « Seigneur, vous rendrez pour moi ».
17. « Seigneur, votre miséricorde est pour l’éternité ». Que désirer ? Non pas le jour de l’homme. « Je n’ai éprouvé aucune peine à vous suivre, Seigneur, et je n’ai point désiré le jour de l’homme, vous le savez[9] ». Si la bienheureuse Crispine, votre témoin,

  1. 2 Mac. 7,3 ss
  2. Dan. 3,24
  3. Ps. 137,8
  4. 1 Pi. 2,21-23
  5. Jn. 8,50
  6. Rom. 12,19
  7. Mt. 17,23-26
  8. Jn. 14,30-31
  9. Jer. 17,16