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ce qui est marqué par leur naissance. Car selon la tradition de l’Église, Jean est né le huit des kalendes de juillet, quand les jours commencent à diminuer, et Notre-Seigneur, le huit des kalendes de janvier, quand les jours commencent à croître. Écoute Jean qui nous dit : « Quant à lui, il doit croître, et moi diminuer[1] ». Or, voilà ce que marque leur genre de mort. Le Seigneur fut élevé en croix, et Jean diminué de la tête. Le Christ est donc une lumière élevée ; et de là vient la rosée d’Hermon. Mais vous qui voulez habiter ensemble, soupirez après cette rosée, soyez-en trempés. Sans cela vous ne pourrez posséder ce dont vous faites profession, comme vous ne pourrez avoir le courage de le professer, si le Christ ne vous fait entendre son tonnerre dans votre cœur. Vous ne pourrez persévérer, s’il cesse de rassasier vos âmes, parce que cet aliment sacré descend sur les montagnes de Sion.
12. Déjà, nous le savons, « les montagnes de Sion » sont grandes en Sion. Qu’est-ce que Sion ? L’Église. Et quelles sont les montagnes dans l’Église ? Les grands. Ceux qui sont les montagnes sont aussi désignés par la barbe, et par le bord du vêtement. Car la barbe n’a d’autre sens que la perfection. Il n’y a donc pour habiter ensemble que ceux qui ont la charité parfaite. Car ceux qui n’ont point la charité parfaite en Jésus-Christ, lors même qu’ils demeurent ensemble deviennent odieux, imposteurs, troublent les autres par leur turbulence, et cherchent à les critiquer ; de même que dans un attelage, un cheval fougueux non seulement ne tire point, mais par ses ruades brise tout l’attelage. Mais quiconque a reçu cette rosée d’Hermon, qui descend sur les montagnes de Sion, il est tranquille, calme, humble, tolérant, et la prière coule sur ses lèvres au lieu du murmure. Dans un endroit de l’Écriture on lit cette belle description des murmurateurs : « Le cœur de l’insensé est comme la roue d’un chariot[2] ». Pourquoi comparer au chariot le cœur de l’insensé ? Il porte du foin et crie. Car la roue d’un char ne peut qu’elle ne crie. Ainsi en est-il de beaucoup de frères ; ils demeurent ensemble, mais de corps seulement. Quels sont donc ceux qui habitent véritablement ensemble ? Ceux dont il est dit : « Ils n’avaient tous qu’un même cœur et une même âme en Dieu : nul ne considérait comme à lui lien de ce qu’il possédait, mais tous leurs biens étaient en commun[3] ». Les voilà donc désignés et caractérisés ceux qui sont figurés par la barbe, figurés par le bord du vêtement, et qui sont au nombre des montagnes de Sion. S’il y a parmi eux des murmurateurs, qu’ils se souviennent de cette parole du Seigneur : « L’un sera pris, l’autre laissé[4] ».
13. « Car c’est là que le Seigneur veut qu’on le bénisse[5] ». Où veut-il qu’on le bénisse ? Parmi les frères qui demeurent en un. C’est là qu’il veut être béni, là que bénissent ceux qui demeurent ensemble dans la concorde. Car on ne saurait le bénir dans la division : et c’est en vain que tu diras que ta langue bénit le Seigneur, si ton cœur est muet ; car alors la bouche bénit et le cœur maudit. « Ils bénissaient de la bouche et maudissaient dans le cœur[6] ». Est-ce moi qui tiens ce langage ? Le Prophète a voulu désigner quelqu’un par ces paroles. C’est bénir Dieu que prier, et en continuant ta prière, tu maudis ton ennemi. Est-ce là ce que tu as appris du Seigneur, qui dit « Aimez vos ennemis[7] ? » Si tu pratiques ce commandement, si tu pries pour ton ennemi, c’est « là que le Seigneur a commandé qu’on « le bénisse » ; c’est là que tu auras « la vie dans le siècle », c’est-à-dire dans l’éternité. Chez beaucoup l’amour de cette vie leur fit maudire leurs ennemis : et pourquoi, sinon à cause de cette vie et de certains avantages mondains ? Où donc ton ennemi t’a-t-il fait souffrir pour te forcer à le maudire de la sorte ? Est-ce sur la terre que tu as souffert ? Abandonne la terre et monte au ciel. Mais, diras-tu, comment puis-je habiter le ciel, moi qui suis revêtu de chair, absorbé par la chair ? Élevé ton cœur, où ton corps doit aller ensuite. Ne ferme pas l’oreille quand on dit : Les cœurs en haut. Oui, que ton cœur soit en haut, et nul ne l’y fera souffrir. C’est ce que nous voyons très bien dans le psaume suivant.

  1. Jn. 3,30
  2. Sir. 33,5
  3. Act. 4,32
  4. Mt. 24,40
  5. Ps. 132,3
  6. Id. 61,5
  7. Mt. 5,44