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pendant sa vie mortelle, et ils le voient avec stupéfaction, adoré de tous les peuples de la terre ; ainsi sont tués les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres.
4. « Et qu’ils soient pris eux-mêmes dans leur orgueil ». Que veulent dire ces paroles : « Qu’ils soient pris eux-mêmes dans leur orgueil ? » C’est inutilement que les forts se sont jetés sur le Christ, et qu’il a paru céder à leurs efforts pour leur laisser croire qu’ils avaient réussi dans leurs desseins contre lui ; c’est en vain qu’ils ont semblé prévaloir contre le Sauveur. Ils ont bien pu crucifier son humanité sainte, leur faiblesse a pu l’emporter sur la force, la force a pu être mise à mort ; ils se sont imaginé qu’ils étaient quelque chose ; ils se sont considérés comme des hommes robustes, puissants et incapables de se laisser dominer par n’importe quelle résistance ; ils étaient, à leurs yeux, pareils àun lion tout préparé à dévorer sa proie, ou semblables à ces taureaux gras dont il est parlé dans un autre psaume : « Des taureaux gras se sont jetés sur moi[1] ». Mais qu’ont-ils fait au Christ ? En lui ils ont tué, non la vie, mais la mort. En effet, au moment où Jésus-Christ rendait le dernier soupir, le règne de la mort finissait en lui, et celui de la vie commençait, lorsque, par sa résurrection, il reprenait cette ’vie au sein même de la mort ; il est ressuscité, car il y avait en lui une source de vie qu’ils ne pouvaient tarir. Quel a donc été le résultat de leur méchanceté à l’égard du Sauveur ? Ecoute ; le voici. Ils ont détruit le temple. Et lui, qu’a-t-il fait ? Il l’a rebâti le troisième jour[2]. Par là ont été tués les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres. Et qu’est-il advenu de ceux qui se sont convertis ? « Qu’ils soient pris dans leur propre orgueil ». On leur a dit que celui qu’ils avaient attaché à la croix, était ressuscité d’entre les morts, et ils ont cru au prodige de sa résurrection, quand ils ont vu que, du haut du ciel où il était monté, il avait envoyé l’Esprit-Saint, pour remplir de ses dons ceux qui avaient cru en lui[3], et alors ils ont compris qu’en faisant mourir le Christ, ils avaient inutilement employé leur temps et leurs forces. Tout ce qu’ils avaient fait se réduisait à rien ; il ne leur restait que la responsabilité de leur coupable conduite ; et dès lors que leurs projets avaient été anéantis, et qu’ils n’avaient recueilli d’autre bénéfice que celui d’avoir commis le crime, ils furent pris dans leur propre orgueil, et ils se virent accablés sous le poids de leur faute, Ils n’avaient donc plus d’autre ressource que celle de confesser leur péché ; c’était la condition pour Obtenir leur pardon de celui qui avait cédé à leurs efforts criminels ; à cette condition, il devait pardonner sa mort corporelle aux morts spirituels qui lui avaient ôté la vie, et donner la vie de l’âme à ceux qui l’avaient perdue. Ils ont donc été pris dans leur orgueil.
5. « Leur malédiction et leur mensonge produiront leur consommation dans la colère de consommation, et ils ne seront plus ». Il est vraiment difficile de comprendre comment les mots : « Et ils ne seront plus », se lient avec les précédents. Quel en est le sens ? Voyons le verset que nous venons d’expliquer. Lorsqu’ils auront été pris dans leur propre orgueil, « leur malédiction et leur mensonge produiront leur consommation ». Que doit-on entendre par consommation ? ce terme signifie : Perfection ; car être consommé veut dire être perfectionné. Autre chose est d’être consommé, autre chose est d’être consumé. On dit d’un objet qu’il est consommé, quand il est arrivé à son dernier degré de perfection : on dit qu’il est consumé, lorsqu’il est détruit èt qu’il n’en reste plus rien. L’orgueil empêchait l’homme de devenir parfait, car rien ne met obstacle à la perfection, comme ce malheureux vice. Que votre charité veuille bien apporter un peu d’attention à mes paroles, et considérer que l’orgueil est un mal singulièrement dangereux, un mal infiniment à craindre. À votre avis, quel mal est l’orgueil ? Pourrais-je exagérer en vous dépeignant sa malice et ses suites ? Le démon n’a commis que ce péché : voilà la cause de ses tourments sans fin. Sans aucun doute, il est le chef de tous les pécheurs, c’est lui qui les entraîne au mal : on ne l’accuse ni d’adultère, ni d’intempérance, ni de fornication, ni d’enlèvement du bien d’autrui : sa chute n’est venue que de l’orgueil. Et parce que l’envie est la compagne ordinaire de l’orgueil, il est impossible que le cœur de l’orgueilleux ne soit pas dévoré par l’envie. Comme conséquence de ce vice, qui est la suite nécessaire de l’orgueil, le démon, après sa chute, porte envie à l’homme qui persévère dans le bien, et il s’efforce de le séduire,

  1. Ps. 21,13
  2. Jn. 2,19
  3. Act. 1,9 ; 2,4