Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/652

Cette page n’a pas encore été corrigée

aujourd’hui en énigme le Christ que tu verras un jour face à face, car le juste vit de la foi ; lors donc que devant toi ceux qui se détournent tout à fait de Dieu deviendront les victimes de leur aveuglement, quand le feu de la colère de Dieu sera tombé sur eux et les aura empêchés de voir le soleil, fais attention à la mort dont mourront les impies, et purifie-toi de tes péchés. Ainsi laveras-tu d’une certaine façon tes mains dans le sang du pécheur. « Il lavera donc ses mains dans le sang du pécheur ».
22. « Et l’homme dira : Il y a donc une récompense pour le juste[1] ». Avant que s’accomplissent les promesses divines, avant que commence pour lui la vie éternelle, avant que les impies soient précipités dans le feu qui ne s’éteindra jamais, il y aura donc une récompense pour le juste. Quelle sera cette récompense ? « Réjouissons-nous dans l’espérance « soyons patients au sein de la tribulation[2] ». Quelle sera la récompense du juste ? « Nous nous glorifions dans nos afflictions, car nous savons que l’affliction produit la patience, que la patience produit la pureté, que la pureté produit l’espérance. Or, l’espérance ne confond point, car l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[3] ». L’ivrogne trouve la joie dans son ivresse, et le juste ne saurait se réjouir f La charité, voilà sa récompense. Celui-là est malheureux, même quand il se jette dans son vice brutal ; celui-ci est au comble du bonheur, même quand la faim et la soif le tourmentent ; l’un se plonge dans les excès de l’intempérance et y trouve son aliment ; l’espérance est la nourriture de l’autre. Que le juste examine donc les chagrins du méchant et sa propre joie, et que par la pensée il s’élève jusqu’à Dieu. Si le Seigneur fait trouver aux fidèles une telle félicité dans la foi, l’espérance, la charité et la vérité des Écritures, quel bonheur leur prépare-t-il pour l’éternité ? Et s’il les nourrit ainsi pendant la route, de quelles délices les comblera-t-il quand ils seront entrés dans la patrie ! « Et l’homme dira : Il y a donc une récompense pour le juste ». Que ceux qui le voient, le croient, qu’ils le voient et le comprennent. « Le juste se réjouira lorsqu’il verra la punition ». Quiconque n’a pas d’yeux pour voir cette punition, sera plongé dans la tristesse et ne se corrigera pas. Mais, dès lors qu’on la voit, on aperçoit la distance qui sépare un cœur aveugle d’un cœur illuminé, la fraîcheur de la chasteté, de la brû ! ante ardeur des passions charnelles, la sécurité que donne l’espérance, de la crainte qu’inspire le crime. L’homme témoin du supplice des méchants n’a plus qu’à se juger lui-même et à laver ses mains dans son propre sang. Que cette comparaison l’aide à s’avancer dans la vertu, et qu’il se dise : « Le juste aura donc sa récompense ; il y a donc un Dieu pour juger les hommes sur la terre. » Non, pas encore dans la vie future, ni par le feu éternel, ni dans les enfers, mais dès maintenant, sur la terre. Le mauvais riche est encore revêtu de pourpre et de fin lin ; il se nourrit encore somptueusement tous les jours ; le nerprun n’a pas encore donné d’épines ; il n’a pas encore dit : « Je suis cruellement tourmenté dans cette flamme[4] ». Mais déjà son cœur est frappé d’aveuglement, et l’œil de son âme est éteint. S’il était assis à une table splendide et qu’il fût privé de la vue corporelle, tu le proclamerais bien malheureux ; il est frappé de cécité spirituelle ; il ne voit pas le Christ qui est sa véritable nourriture, et il serait heureux ? Il n’y aurait qu’un aveugle pour oser le prétendre. « Il y a donc une récompense pour le juste ! il y a donc un Dieu pour juger les hommes sur la terre ! »
23. Si nous nous sommes un peu trop étendu, pardonnez-nous-le, mes frères ; nous vous y exhortons au nom du Christ : pensez à mettre en pratique ce que vous nous avez entendu dire. Ce serait chose inutile de proclamer la vérité, si le cœur n’était d’accord avec les paroles ; et, pour la même raison, à quoi bon l’entendre, si l’on n’a soin en même temps de bâtir sur la pierre ferme ? Celui qui écoute et met en pratique ce qu’il entend, élève son édifice sur la pierre ; écouter et ne pas se conduire en conséquence, c’est bâtir sur le sable[5] ; enfin, ne rien écouter, ne rien faire, c’est ne point bâtir. Mais, de même qu’un homme ne prépare qu’un édifice de ruine en bâtissant sur le sable, ainsi est-il emporté avec sa maison par l’impétuosité du torrent, quand il ne bâtit pas sur la pierre. Il n’y a donc qu’une chose à faire, c’est de bâtir et de bâtir sur la pierre, ou, en d’autres termes, c’est d’écouter et d’agir. Et que personne ne dise : Pourquoi

  1. Ps. 57,12
  2. Id. 5,3-5
  3. Id. 5,3-5
  4. Lc. 16,19-21
  5. Mt. 7,24-26