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viendra, et il est votre Roi. Souvenez-vous du titre qui a été attaché à sa croix. Vous avez beau ne pas voir l’inscription, elle y est : quoiqu’on ne la lise pas sur la terre, elle se conserve du moins toujours dans le ciel. Pensez-vous que le texte de cette inscription ait été altéré ? Quel est le litre de ce psaume ? « Pour la fin ; ne corromps rien, à David, sur l’inscription du titre ». Cette inscription du titre n’est donc pas altérée. Le Christ, voilà votre Roi, parce qu’il est le Monarque universel ; « parce que la royauté lui appartient et qu’il gouvernera tous les peuples[1] ». Dès lors que vous êtes soumis à sa puissance suprême, il vous avertit avant de venir ; il vous dit : Je ne vous juge pas encore, mais je vous exhorte à penser à vous, Si je vous fais aujourd’hui des menaces, c’est afin de n’avoir pas à vous juger plus tard et à vous punir. « Si donc, ô enfants des hommes, vous parlez vraiment selon la justice, soyez justes dans vos jugements ».
4. Mais comment agissez-vous maintenant ? Pourquoi vous parlé-je ainsi ? « Pendant que vous êtes sur la terre, vous ne travaillez qu’à former dans votre cœur des desseins injustes[2] ». Mais votre cœur est-il bien seul occupé d’injustices ? Écoute ce qui suit : Car les mains suivent le cœur ; elles lui obéissent : l’un réfléchit, les autres agissent : et quand elles n’agissent pas, c’est par impuissance et non par défaut de volonté. Quoique tu ne puisses accomplir tous tes désirs, dès lors que tu les as formés, Dieu t’en tient compte. « Pendant que vous êtes sur la terre, vous ne travaillez qu’à former dans votre cœur des desseins coupables ». Que lis-tu ensuite ? « Avec l’iniquité, vos mains font une chaîne ». « Elles font une chaîne », c’est-à-dire, le péché vient du péché, il engendre à son tour le péché ; la cause en est dans le péché. Expliquons-nous. Un homme s’est rendu coupable de vol, c’est un péché : il a été vu, et il cherche à tuer le témoin de sa mauvaise action : voilà un péché enchaîné à un autre. Si, par un secret jugement de Dieu, il réussit à se défaire, par le meurtre, de cet importun témoin, il sent bien qu’il est connu comme assassin, et alors il prend ses mesures pour en finir avec un homme qui peut déposer contre lui : aux deux premières fautes il en enchaîne une troisième. Sur ces entrefaites, et afin de n’être ni surpris ni convaincu d’avoir commis de tels crimes, il consulte un astrologue. Nouveau péché ajouté aux trois autres. Peut-être l’astrologue lui donne-t-il une réponse désagréable et inquiétante. Il a donc recours à un aruspice, et il le prie de faire pour lui des expiations : celui-ci déclare qu’une expiation lui est impossible ; il faut donc s’adresser à un sorcier. Comptez, si vous le pouvez, tous les anneaux de cette chaîne de péchés. « Avec l’iniquité vos mains font une chaîne ». Jusques à quand te livreras-tu à ce détestable métier ? Jusques à quand ajouteras-tu péché à péché ? Dégage-toi donc ; brise ces chaînes de péchés. Mais, dis-tu, je ne puis. Élevé vers Dieu les cris de ta prière, et dis-lui : « Malheureux que je suis ! qui est-ce qui me délivrera de ce corps de mort[3] ? » La grâce de Dieu viendra en toi, et alors tu trouveras ton bonheur dans le bien, comme tu le trouvais autrefois dans le mal ; et, dégagé de tes chaînes, rendu à la liberté, tu feras monter vers le trône de l’Eternel les accents de ta reconnaissance : « Seigneur, vous avez brisé les liens qui me retenaient captif[4]. Vous avez brisé mes liens », c’est-à-dire, vous m’avez pardonné mes péchés. Vois si les péchés ne sont pas de véritables liens. « Chacun, dit l’Écriture, est embarrassé dans les lacets de ses péchés[5] ». Ce ne sont pas de simples liens, ce sont des lacets : on appelle de ce nom ce qui se fait avec des crins tressés : en d’autres termes, tes péchés s’entrelaçaient les uns dans les autres. « Malheur », dit Isaïe, « malheur à ceux qui traînent leurs péchés comme une longue corde[6] ». Que veulent dire ces paroles : « Malheur à ceux qui traînent leurs péchés comme une longue corde ? » Malheur à ceux qui font une chaîne avec l’iniquité. Nos péchés nous punissent autant qu’ils nous embarrassent : le Seigneur Jésus s’arma d’un fouet fait de cordes pour chasser du temple tous ceux qui y faisaient un trafic indécent[7]. Mais parce que tu ne sens pas le poids de tes chaînes, tu ne yeux pas encore les voir brisées : elles te plaisent, tu trouves en elles ton bonheur ; mais elles te paraîtront bien lourdes, quand le Seigneur dira : « Qu’on lui lie les mains et les pieds, et qu’on le jette

  1. Ps. 21,29
  2. Id. 57,3
  3. Rom. 7,24
  4. Ps. 115,16
  5. Prov. 5,22
  6. Isa. 5,18
  7. Jn. 2,15