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cœurs le même langage. « Seigneur, précipitez-les dans les abîmes, et divisez leurs « langues ».
12. Car j’ai vu l’injustice et la contradiction dans leur ville ». C’était avec raison qu’il cherchait à fuir dans le désert, puisqu’il voyait, dans leur ville, l’iniquité et la contradiction. Il est une ville pleine de troubles ; sus habitants ont bâti la tour dont nous venons de parler ; la confusion est sou partage ; elle a nom Babylone et se trouve dispersée parmi les innombrables nations du monde ; c’est de son sein que sortent, pour former l’Église, tous ceux qui se retirent dans le désert d’une bonne conscience, car ils voient la contradiction régner dans cette ville. Le Christ est venu. – Qui est le Christ ? – N’es-tu pas une ville de contradiction ? C’est le Fils de Dieu. – Dieu a-t-il un Fils ? – N’es-tu pas une ville de contradiction ? Il est né d’une Vierge, il est mort dans les tourments, il est ressuscité. – Comment cela peut-il se faire ? – N’es-tu pas une ville de contradiction ? Remarque au moins le glorieux éclat de sa croix. Cette croix, que ses ennemis ont insultée, a déjà trouvé place au front des rois ; l’événement a déjà prouvé la puissance de Celui qui y a été attaché ; il a dompté le monde, non par les armes, mais par le bois de sa croix. Ses ennemis avaient cru que ce bois était digne de tous les mépris ; ils s’arrêtaient devant lui, secouaient la tête et disaient : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de sa « croix[1] ». Cloué à ce bois, il tendait les bras à ce peuple incrédule et ennemi. Si celui qui vit de la foi est juste[2], celui-là est injuste qui n’a pas la foi. Par le mot « injustice », j’entends donc la perfidie. Le Seigneur voyait donc l’iniquité et la contradiction dans la ville ; il étendait ses bras vers un peuple incrédule et ennemi ; il en attendait patiemment le retour au bien et disait : « Mon « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce « qu’ils font[3] ». On ne peut en douter, les restes de cette ville le persécutent encore aujourd’hui ; ils sont encore animés, à son égard, du même esprit de contradiction ; sa croix est aujourd’hui imprimée sur tous les fronts, et, de là, il tend encore ses bras à ces restes incrédules et ennemis. « Parce que j’ai B vu l’iniquité et la contradiction dans la « ville ».
13. « Jour et nuit l’iniquité et la douleur « environneront ses murailles[4] », ses remparts, c’est-à-dire ces nobles citoyens qui en sont comme les chefs. Si ce prince, dit-on souvent, se faisait chrétien, personne ne resterait païen ; c’en serait fait du paganisme du jour où cet homme deviendrait chrétien. Chaque jour on répète le même propos. Oui, si ce grand personnage embrassait la religion chrétienne, on ne rencontrerait plus un seul païen. Mais, parce qu’ils persistent dans leur fausse religion, ils sont comme les murs de cette cité incrédule et pleine de contradiction. Combien de temps encore resteront-ils debout ? Pas toujours, car ils seront renversés. L’arche fait le tour des murailles de Jéricho ; bientôt elle le fera pour la septième fois, et alors s’écrouleront les remparts de cette ville sans foi et animée de l’esprit de contradiction[5] En attendant, le Prophète se trouble dans son exercice, et, dans la nécessité où il se trouve de supporter les contradictions des restes de cette ville, il désire avoir des ailes pour s’envoler ; il souhaite la tranquillité du désert. Mais non ; qu’il demeure ferme au milieu des contradictions ; qu’il supporte les menaces ; qu’il boive les opprobres ; qu’il attende Celui qui le délivrera des alarmes et de la tempête ; qu’il porte ses regards sur son Chef, sur son modèle, et si les réalités de la vie le jettent dans le trouble, que, du moins, ses immortelles espérances ramènent le calme dans son âme. « Jour et nuit l’iniquité environnera ses « murailles ; la douleur et l’injustice se trouvent au milieu d’elle ». Il y a là de la douleur, parce qu’il y a là de l’iniquité ; on y voit l’injustice, c’est pourquoi on y voit la douleur. Qu’ils écoutent donc Celui qui leur tend les bras et leur dit : « Venez à moi, vous tous qui souffrez ». Vous le poursuivez de vos clameurs, de vos contradictions et de vos outrages, et il vous appelle : « Venez à moi, vous « tous que l’orgueil fait souffrir, et vous trouverez le repos dans mon humilité », car, ajoute-t-il, « apprenez de moi que je suis doux « et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes[6] ». En effet, pourquoi souffrent-ils, sinon parce qu’ils manquent de douceur et de l’humilité du cœur ? Dieu s’est abaissé ; rougir en face de cette humiliation de son Dieu, voilà le devoir de l’homme orgueilleux.

  1. Mt. 27, 40
  2. Rom. 1, 17
  3. Lc. 23, 34-43
  4. Ps. 54, 11
  5. Jos. 6, 5
  6. Mt. 11, 28-29