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mot finie la même signification que lorsqu’on dit : Ce vêtement est fini. La manière de s’exprimer est la même dans les deux cas ; mais, dans le premier, on veut dire : ces aliments sont consommés, ils n’existent plus ; dans le second, ce vêtement est achevé, il est parfait. Notre fin doit consister dans notre perfection, et notre perfection, c’est le Christ : c’est en lui que nous devenons parfaits, car nous sommes ses membres, et il est notre chef. On dit qu’il est la fin de la loi, parce que, sans lui, personne ne peut l’accomplir. Lors donc que, dans les psaumes, vous lisez ces mots : « Pour la fin » (et plusieurs d’entre eux portent ce titre), votre pensée ne doit pas s’arrêter à une idée de mort, mais à l’idée de la consommation de la perfection.
2. « Dans les hymnes » : dans les louanges. Que nous soyons dans la tribulation et l’angoisse, ou dans le bonheur et la joie, notre devoir est de louer celui qui nous instruit en nous éprouvant, et qui nous console par ses bienfaits : car la louange de Dieu doit se trouver toujours dans le cœur et sur les lèvres du chrétien. S’il bénit le Seigneur au moment de la prospérité, qu’il ne le maudisse pas à l’heure de l’épreuve, mais qu’il accomplisse cette recommandation du Psalmiste Je bénirai le Seigneur en tout temps : ses louanges se trouveront toujours sur mes lèvres[1]. Si le bonheur te sourit, reconnais dans la conduite de Dieu à ton égard les caresses d’un père. Es-tu soumis à l’épreuve ? Vois-y la main d’un père qui te corrige. Qu’il te caresse ou te corrige, il t’instruit pour te rendre digne de l’héritage qu’il te réserve.
3. Quel est le sens de ces mots : « Intelligence à David ? » Nous le savons : David était un saint prophète, roi d’Israël, fils de Jessé[2] ». Mais parce que, selon la chair, Jésus-Christ est sorti de sa race pour notre salut[3], il est souvent désigné sous le nom de David : et l’on parle de David en figure, c’est-à-dire pour parler du Christ, à cause de l’origine charnelle qu’il a tirée de David. Sous un rapport, il est fils de David ; et, sous un autre, il en est le Seigneur. Fils de David selon la chair, il en est le Seigneur en tant que Dieu. Si toutes choses ont été faites par lui[4], par lui aussi a été créé David, de la race de qui il s’est fait homme. Aussi quand le Sauveur interrogea les Juifs, et leur demanda de qui le Christ était Fils, « ils répondirent : de David ». Voyant qu’ils s’arrêtaient à la chair, et perdaient de vue la divinité, il redressa leur jugement et leur fit cette question : « Comment donc David, parlant sous l’inspiration du Saint-Esprit, l’appelle-t-il son Seigneur en disant : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marchepied ? Si donc David, parlant par le Saint-Esprit, l’appelle son Seigneur, comment peut-il être son Fils[5] ? » Il leur proposa cette difficulté, mais il ne nia pas qu’il fût le fils de David. Vous voyez qu’il est le Seigneur de David : expliquez-moi comment il en est le Fils ; vous voyez qu’il en est le Fils, dites-moi comment il en est le Seigneur. La foi catholique tranche cette difficulté. Comment est-il le Seigneur de David ? « Parce que au commencement était le Verbe, que le Verbe était en Dieu, que le Verbe était Dieu ». Comment en est-il le Fils ? Parce que le « Verbe s’est « fait chair, et qu’il a habité parmi nous »[6]. David est la figure du Christ. Le Christ, comme nous l’avons sot dit à votre charité, est tout à la fois tète et corps. Nous ne devons point nous considérer comme lui étant étrangers, puisque nous sommes ses membres : ne nous croyons pas, non plus, autres que lui, parce que, dit l’Apôtre, « ils seront deux dans une même chair : ce sacrement est grand, je dis dans Jésus-Christ et dans l’Église[7] ». Jésus-Christ, dans son ensemble, est en même temps tête et corps ; nous devons donc appliquer ces paroles : « Intelligence à David », à nous aussi bien qu’au Christ, car nous sommes comme lui, désignés sous le nom de David. Que les membres du Christ aient l’intelligence, que le Christ ait l’intelligence dans ses membres, et que ses membres l’aient en lui, parce que la tête et les membres ne font qu’un seul et même Christ. La tête était dans le ciel, et elle disait : « Pourquoi me persécutes-tu[8] ? » Nous sommes avec lui dans le ciel par nos espérances, et il est avec nous sur la terre par la charité. Donc, « Intelligence à David ». Puissent les paroles que nous entendons devenir pour nous une source de réflexions ! Puisse l’Église avoir l’intelligence, car c’est pour nous une grave obligation de nous appliquer sérieusement à

  1. Ps. 33,1
  2. 1 Sa. 16,13
  3. Rom. 1,3
  4. Jn. 1,3
  5. Mt. 22,41-45
  6. Jn. 1,1.11
  7. Eph. 5,31-32
  8. Act. 9,4