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et pervers, tu veux mettre l’eau au-dessus de l’huile, mais l’eau reprendra le dessous et l’huile le dessus Tu prétends soumettre la lumière aux ténèbres, mais les ténèbres disparaîtront et la lumière restera. Tu veux placer la terre au-dessus du ciel : entraînée par son propre poids, elle reviendra bientôt en son lieu. Tu périras donc comme submergé, en préférant le mal au bien, car jamais le mal ne vaincra le bien : « Tu as préféré le mal au bien, tu as mieux aimé dire des injustices que parler selon l’équité ». Devant mi l’iniquité et la justice se trouvent, tu n’as qu’une langue et tu la tournes où bon te semble ; pourquoi donc la tournes-tu plutôt du côté de l’iniquité que du côté de la justice ? Tu ne voudrais point te nourrir d’aliments amers, et tu donnes à ta maligne langue l’iniquité pour nourriture. Puisque tu choisis tes aliments, choisis de même tes paroles. Tu donnes à l’iniquité la préférence sur la justice, tu mets la malice au-dessus de la bonté ; mais quoi que tu fasses, qu’est-ce qui prendra le dessus, sinon la justice et la bonté ? En te plaçant d’une certaine manière sur ce qui doit, nécessairement prendre le dessous, non seulement tu ne réussiras jamais avec tes appuis à dominer le bien, mais tu te précipiteras avec eux dans le mal ; voilà pourquoi le Psalmiste ajoute :
11. « Tu as aimé toutes les paroles de submersion[1] ». Dérobe-toi, si tu le peux, au danger de périr submergé Tu fais naufrage et tu t’accroches à du plomb. Si tu ne veux pas noyer, saisis donc une table, monte sur du bois ; que la croix soit ta sauvegarde, si tu ne veux pas noyer. Mais parce que tu es Doëch, Iduméen, parce que tu es ébranlé et terrestre, que fais-tu ? « Tu aimes toutes les paroles de ruine et la langue trompeuse ». Cette langue est venue la première et à sa suite les paroles de ruine. Qu’est-ce qu’une langue trompeuse ? C’est un instrument de fourberie au service de ceux qui pensent une chose et qui en « lisent une autre. Le fruit de tout cela, c’est le bouleversement et la ruine.
12. « C’est pourquoi Dieu te détruira à la fin[2] », quoique tu sembles en ce moment aussi vigoureux que l’herbe des champs paraît l’être avant de subir les ardeurs du soleil. Car toute chair n’est que de l’herbe, et l’éclat de l’homme ressemble à la fleur de l’herbe. L’herbe s’est desséchée, sa fleur est tombée, mais la parole de Dieu demeure éternellement[3]. Attache-toi donc à ce qui demeure éternellement. Si tu t’attaches à l’herbe et à sa fleur, Dieu te détruira à la fin, parce que l’herbe se desséchera et que sa fleur tombera. Il te détruira sinon aujourd’hui, du moins à la fin, quand il prendra le van et qu’il séparera le tas de paille de la masse du froment. Est-ce qu’alors on ne renfermera pas le bon grain dans les celliers ? Est-ce qu’on ne jettera pas la paille dans le feu ? Est-ce que Doëch tout entier ne se tiendra pas à sa gauche, au moment où le Seigneur dira : « Allez au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges ? » « Dieu te détruira donc à la fin, il t’arrachera et te fera sortir de ta tente ». L’Iduméen Doëch est sous la tente, mais le serviteur ne demeurera pas toujours dans la maison de son père[4]. Il fait encore un peu de bien, sinon par ses œuvres, du moins par la parole de Dieu, car tout en cherchant son profit dans le service de l’Église, il prêche encore la parole du Christ. Mais il te fera sortir de ta tente. « En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense ». « Et il arrachera ta racine de la terre des vivants ». Nous devons donc avoir notre racine dans la terre des vivants. Puisse-t-elle y être ! La racine est cachée ; on voit les fruits, mais on ne peut voir la racine. Notre racine, c’est la charité ; nos fruits, ce sont nos bonnes œuvres : tes bonnes œuvres doivent donc provenir de la charité, et alors ta racine se trouve dans la terre des vivants. Doëch en sera arraché, il est impossible qu’il y reste, parce qu’il n’y a point jeté profondément ses racines ; il ressemble aux plantes dont la semence a été jetée sur, la pierre : elles poussent bien des racines, mais comme elles manquent de terre, elles se dessèchent aussitôt que le soleil se lève[5]. Pour ceux qui enfoncent profondément leurs racines, l’Apôtre leur dit : « Je fléchis pour vous les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin que vous soyez enracinés et fondés dans la charité ; et, comme vous avez jeté là vos racines, afin que vous puissiez connaître quelle est la hauteur, la largeur, la longueur et la profondeur, et comprendre aussi l’amour de Jésus-Christ envers nous, amour qui surpasse toute connaissance, pour être comblés de toute la plénitude des dons de Dieu ». Une racine si

  1. Ps. 51,6
  2. Id. 7
  3. Isa. 40,6-8
  4. Jn. 8,35
  5. Mt. 13,5