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n’ont rien fait pour Dieu, ils ont tout fait pour eux-mêmes : « Renouvelez dans mes entrailles d’esprit de droiture ».
16. « Ne me repoussez point de votre présence ». Détournez vos regards de mes péchés, mais ne m’éloignez pas de votre présence. Il redoute le regard de Dieu, et néanmoins il invoque ce regard. « Ne m’éloignez pas de votre présence, et ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint[1] ». Car le Saint-Esprit est dans celui qui avoue ses fautes. Que votre péché vous déplaise, c’est là un don de l’Esprit-Saint. Le mal plaît à l’esprit impur, il déplaît à l’esprit de sainteté : et quoique, d’une part, tu demandes encore pardon à Dieu, néanmoins comme d’autre part tu as en aversion le mal que tu as fait, lu es uni à Dieu, puisque tu hais ce qu’il hait. Ainsi, vous voilà deux contre la fièvre, le médecin et toi. Mais comme il n’est pas au pouvoir de l’homme d’avouer et de punir par lui-même son péché, quiconque s’irrite contre soi-même et se prend à dégoût, ne le fait que par un don de l’Esprit-Saint. Aussi le Prophète ne dit point : Donnez-moi votre Esprit-Saint, mais : « Ne le retirez pas de moi. Ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint ».
17. « Rendez-moi la joie de votre salut[2] ». « Rendez-la-moi », car je l’avais avant de la perdre par le péché : « Rendez-moi cette joie de votre salut » ; c’est-à-dire de votre Christ. Sans lui, qui peut être guéri ? Avant même qu’il fût né d’une vierge, « le Verbe était au commencement, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu[3] ». Ainsi les anciens croyaient à l’Incarnation dans l’avenir, comme nous y croyons au passé. Les temps ont changé, mais non la foi. « Rendez-moi la joie de votre salut, et fortifiez-moi de votre souverain Esprit ». Plusieurs ont vu ici la Trinité, si l’on envisage Dieu en lui-même et sans le mystère de l’Incarnation. Il est écrit en effet : « Dieu est esprit[4] ». Ce qui n’est point corporel et qui existe néanmoins ne peut être qu’esprit. Quelques-uns donc ont vu ici la Trinité, « l’Esprit de droiture » serait le Fils[5], « l’Esprit-Saint », le Saint-Esprit, et « l’Esprit souverain », le Père. Que l’on entende ainsi ces paroles, ou que dans cette expression : « Renouvelez dans mes entrailles l’esprit de droiture », le Prophète ait parlé de l’esprit de l’homme, que le péché a courbé, rendu tortueux, en sorte que l’Esprit-Saint soit cet esprit principal, qu’il demande à Dieu de ne point lui ôter, et dans lequel il veut être affermi, aucun de ces deux sens n’est contre la foi.
18. Mais voyez ce qu’il ajoute : « Fortifiez-moi », dit-il, « parle souverain Esprit ». En quoi veut-il être affermi ? Parce que vous m’avez accordé mon pardon, parce que j’ai la certitude que vous ne m’imputerez point ce que vous m’avez remis, cette faveur me donne la sécurité, cette grâce me fortifie, et je ne serai pas ingrat. Que ferai-je alors ? « J’enseignerai vos voies aux méchants ». Moi, jadis impie, j’instruirai les impies, c’est-à-dire qu’après avoir été méchant, je ne le suis plus, et que si vous ne retirez de moi votre esprit, si même vous m’affermissez dans l’esprit souverain, « j’enseignerai vos voies aux méchants ». Quelles voies leur enseignerais-tu ? « Les impies se retourneront vers vous[6] ». Si le péché de David est regardé comme une impiété, que les impies ne se livrent point au désespoir, puisque Dieu pardonne à l’impie : mais à la condition qu’ils se convertiront à lui, qu’ils étudieront ses voies. Si l’on ne voit point dans les péchés de David une impiété, et si l’impiété est proprement l’apostasie contre Dieu, si elle consiste à n’adorer pas un seul Dieu, à ne l’avoir jamais servi, ou à le quitter après l’avoir servi, il y a comme exagération dans cette parole : « Les impies se tourneront vers vous ». Telle est l’abondance de votre miséricorde, que ceux qui se convertissent à vous, non seulement d’entre les pécheurs vulgaires, mais aussi d’entre les impies, ne doivent point désespérer. « Les impies, se retourneront vers vous ». Pourquoi ? Afin que leur foi leur soit imputée à justice, quand ils croiront en celui qui justifie l’impie[7].
19. « Délivrez-moi des sangs, Seigneur, Dieu de mon salut ». En mettant au pluriel le mot sang, le traducteur latin s’est servi d’une expression peu latine pour rendre la force du grec. Nous savons tous que le mot sang n’a pas de pluriel ; et néanmoins comme le grec l’a mis au pluriel, non sans raison, et parce qu’il en était ainsi dans l’hébreu, le pieux interprète a mieux aimé employer une expression moins latine qu’une autre moins exacte.

  1. Ps. 50,13
  2. Id. 14
  3. Jn. 1,1
  4. Id. 4,24
  5. Cap. 4, n. 6, Hieronimus in Epist. ad Galat
  6. Ps. 50,15
  7. Rom. 4,5