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louanges qu’il exige de nous, le Seigneur, comme vous l’avez entendu, nous disait : « Offre à Dieu un sacrifice de louanges, et rends au Très-Haut tes hommages ». Mais ensuite le Seigneur dit au pécheur : « Est-ce à toi de publier mes jugements, et ta bouche s’ouvrira-t-elle pour annoncer mon alliance ? »[1] Comme s’il lui disait : Tes louanges ne te servent de rien : je n’ai demandé le sacrifice de louanges qu’à ceux dont la vie est sainte ; c’est à eux que la louange est profitable : mais pour toi, il ne te sert de rien de me louer. Est-ce à toi de le faire ? « La louange ne sied pas dans la bouche du pécheur[2] ». Il résume ensuite ces deux pensées dans une même conclusion, qui est un reproche pour les méchants trop oublieux de Dieu. « Comprenez donc enfin, vous qui oubliez le Seigneur, de peur qu’il ne vous enlève comme un lion, et que nul ne puisse vous délivrer ».
30. « Le sacrifice de louanges est le culte qui m’honore[3] ». Comment le sacrifice de louanges doit-il m’honorer ? Il est certain que cette louange ne sert de rien aux pécheurs, dont la bouche s’ouvre pour publier votre alliance, ô mon Dieu, et dont les actions condamnables sont en horreur à vos yeux. Et néanmoins, répond le Seigneur, je ne laisse pas de leur dire : « C’est le sacrifice de louanges qui doit m’honorer ». Tu croyais que la louange était inutile pour toi ; eh bien ! loue-moi, elle te deviendra utile. Vivre mal et bien dire, ce n’est pas encore me louer ; de même que commencer à vivre saintement et s’en attribuer le mérite, ce n’est point me louer encore. Je ne veux point que tu ressembles à ce scélérat qui insultait au crucifié[4], mais je ne veux pas non plus faire de toi cet hypocrite qui vantait ses mérites dans le temple, et cachait ses plaies[5]. Si tu es pécheur et obstiné dans tes vices, je ne puis te dire seulement : Ta louange est inutile, mais bien : Ta louange n’existe même point, et je ne la regarde point comme une louange : si tu crois être juste, et nul n’est juste s’il n’est humble et pieux, si tu t’enorgueillis de ta justice, au point de te comparer aux autres et de les mépriser, si tu l’élèves et te glorifies de tes mérites, ce n’est point là me louer. Quiconque est pécheur ne me loue point, non plus que le juste qui s’attribue sa justice. Mais le pharisien s’attribuait-il sa justice, quand il disait : « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme les autres hommes ? » Il remerciait Dieu du bien qui était en lui. Quelle que soit donc ta vertu, quoique tu comprennes que tu as reçu de Dieu tout le bien qui est en toi, si néanmoins tu t’élèves au-dessus de celui qui en a moins, tu n’es qu’un envieux, tu ne sais me louer. Commence donc à corriger tes désordres et à vivre saintement comprends surtout que c’est par la grâce de Dieu que tu te corriges : « C’est en effet le Seigneur qui redresse les démarches de l’homme[6] ». Après avoir compris tout cela, aide les autres à devenir ce que tu es ; car tu étais toi-même ce qu’ils sont. Aide-les de tout ton pouvoir, et sans te désespérer, car Dieu n’a pas borné à toi seul les trésors de ses grâces. Donc on ne peut louer Dieu, et l’offenser par une vie désordonnée ; on ne le loue point quand on commence une vie régulière dont on s’attribue le mérite et non à la grâce de Dieu ; on ne le loue point, quand on reconnaît qu’on le doit à la grâce de Dieu, et qu’on ne veut cette grâce que pour soi-même. Dès lors celui qui disait : « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme les autres hommes, qui sont injustes, voleurs, adultères, ni même comme ce publicain[7] », ne pouvait-il pas ajouter : Faites à ce publicain les mêmes grâces qu’à moi, achevez de me donner ce qui me manque encore ? Mais il parlait, comme plein de lui-même ; il ne disait point : « Pour moi je suis pauvre et indigent[8] », comme le faisait le publicain en disant : « Seigneur, soyez-moi propice, car je suis un pécheur[9] ». Aussi le publicain s’en retourna-t-il justifié, beaucoup plus que le pharisien. Écoutez donc ceci, vous qui vivez saintement ; écoutez encore, vous qui vivez dans le désordre :« C’est le sacrifice de louange qui doit m’honorer ». Nul n’est méchant quand il m’offre ce sacrifice. Je ne dis point : Que nul méchant ne m’offre ce sacrifice, mais bien : Nul n’est méchant dès qu’il me l’offre. Celui qui me loue est bon, car s’il me loue, ce n’est pas seulement en paroles, mais en mettant ses paroles en harmonie avec ses œuvres.
31. « C’est le sacrifice de louanges qui doit

  1. Ps. 49,14-16
  2. Sir. 15,9
  3. Ps. 49,23
  4. Lc. 23,39
  5. Id. 18,11
  6. Ps. 63,23
  7. Lc. 17,11
  8. Ps. 69,6
  9. Lc. 18,13