comme le plus jeune se rencontre chez tous les peuples ; mais le plus jeune y est dans les chrétiens véritables, dans les élus, les hommes fidèles et pieux ; l’aîné y est dans les orgueilleux, les indignes, les pécheurs obstinés, qui soutiennent leurs péchés loin de les accuser ; tel fut ce peuple juif, ignorant la justice de Dieu et voulant faire valoir la sienne[1]. Mais comme il est dit que « l’aîné servira le second », il devient évident que les impies sont soumis aux hommes pieux, comme les humbles dominent les superbes. Esaü naquit le premier, et Jacob le second ; mais celui qui vint au monde le second fut préféré au premier qui vendit son droit d’aînesse par gourmandise. Voici ce qui est écrit : « Il convoita le plat de lentilles, et son frère lui dit : Si tu veux que je te le cède, vends-moi ton droit d’aînesse »[2]. Celui-ci préférant l’objet de sa convoitise au droit que lui avait donné sa naissance, donna son droit d’aînesse pour manger des lentilles. Or, nous voyons que la lentille est la nourriture des Égyptiens ; car elle abonde en Égypte. De là l’estime dont jouit la lentille d’Alexandrie, qui vient jusqu’en nos contrées ; comme s’il ne venait point de lentilles ici. Ce fut donc l’appétit d’un mets égyptien qui lui fit perdre son droit d’aînesse. Ainsi en est-il du peuple juif, dont il est dit : « Leurs cœurs se retournaient vers l’Égypte »[3], ils en convoitaient en quelque sorte les lentilles, et ils perdirent leur primauté. « Il nous a choisis pour son héritage ; c’est la beauté de Jacob qu’il a aimée ».
7. « Dieu s’élève au bruit des jubilations »[4]. Ce Dieu, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s’élève au milieu de l’allégresse. « Le Seigneur monte au bruit de la trompette ». Il est monté ; mais où, si ce n’est où nous savons ? Ce fut là que les Juifs ne le suivirent point, pas même des yeux. Ils le raillèrent sur la croix[5], et ne le virent pas monter au ciel. « Le Seigneur s’élève au bruit des jubilations ». Qu’est-ce que la jubilation, sinon une joie qui admire et que les mots ne peuvent exprimer ? Mais les transports de joie et d’admiration des Apôtres, en voyant monter au ciel[6] celui dont ils avaient pleuré la mort, voilà ce que des paroles ne pouvaient exprimer ; ils n’avaient plus que des sons confus pour témoigner ce que des paroles ne pouvaient dire. Ce fut là que la trompette se fit entendre, cette voix des anges. Car il est dit : « Élevé la voix, comme la trompette »[7]. Les anges donc prêchèrent l’Ascension du Seigneur ; ils virent les disciples immobiles, frappés d’étonnement, de stupeur, muets, mais tressaillant dans leurs cœurs, quand le Seigneur montait au ciel ; puis retentit la trompette ou la voix des anges : « Hommes de Gaulée, pourquoi demeurer là ? Celui-là est Jésus »[8]. Comme s’ils n’eussent point connu Jésus. Ne l’avaient-ils pas vu à l’instant même devant eux ? Ne l’avaient-ils pas entendu converser avec eux ? Non seulement ils avaient vu son visage quand il était présent avec eux, mais ils avaient touché ses membres[9]. Pouvaient-ils donc ignorer que ce fût là Jésus ? Mais les anges leur parlaient comme à des hommes que l’admiration et la joie de l’allégresse avaient mis hors d’eux-mêmes, et leur disaient : « Celui-là est Jésus ». Comme s’ils eussent dit : Si vous croyez en lui, c’est bien là celui dont la mort sur la croix a fait chanceler vos pieds, celui dont la mort et la sépulture vous ont fait croire que vous l’aviez perdu ; c’est bien là ce Jésus. Il monte en votre présence, ce et un jour il viendra du ciel de la « même manière que vous l’y avez vu monter »[10]. Son corps se dérobe à vos regards, mais Dieu ne se sépare point de vos cœurs. Voyez-le s’élever, croyez en lui bien qu’il soit absent, espérez qu’il viendra ; toutefois, que sa miséricorde vous fasse sentir sa présence secrète. Car celui qui s’élève au ciel et se dérobe à vos yeux vous a fait cette promesse : « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles »[11]. C’est donc avec raison que l’Apôtre nous disait : « Le Seigneur est proche, soyez sans inquiétude »[12]. Le Christ est assis au haut des cieux, et les cieux sont loin de nous, et pourtant celui qui est assis là-haut est près de nous. « Le Seigneur s’élève au bruit des trompettes ». Donc vous, fils de Coré, si vous comprenez qui vous êtes, et si vous vous reconnaissez dans ce psaume, vous tressaillez de joie en vous y voyant.
8. « Chantez des hymnes à notre Dieu, chantez »[13] celui qui fut raillé comme un simple mortel, par ceux qui ne connaissaient point Dieu. « Chantez notre Dieu ». Car ce
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