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à la plume de l’écrivain ; qu’il avait ajouté : « Écrivain très prompt », pour faire entendre qu’il écrivait ce qui allait bientôt s’accomplir, et alors écrire vite signifierait écrire des choses qui vont arriver, ou écrire ce qui ne saurait tarder. Car Dieu n’a pas tardé d’envoyer son Christ. Le temps ne paraît-il point court, dès qu’il est passé ? Remontez générations antérieures, et Adam ne vous paraîtra créé que d’hier. Ainsi ont passé les choses depuis le commencement ; elles ont passé rapidement. Rapidement encore viendra le jour du jugement : préviens cette vitesse ; et s’il se hâte de venir, hâte-toi plus encore de changer. Alors apparaîtra la face du juge ; mais vois ce que dit le Prophète : « Prévenons cette face par un humble aveu[1]. La grâce est épanouie sur vos lèvres, aussi votre Dieu vous a-t-il béni pour l’éternité ».
11. « Ceignez-vous de votre glaive sur votre cuisse, ô Tout-Puissant »[2]. Qu’est-ce que votre glaive, sinon votre parole ? C’est avec ce glaive qu’il a renversé ses ennemis, avec ce glaive qu’il a séparé le fils de son père, la fille sa mère, la bru de sa belle-mère. Voici en effet ce que nous lisons dans l’Évangile : « Je suis point venu apporter la paix, mais le glaive. Dans une famille de cinq personnes, il y aura division : deux seront contre trois, trois contre deux ; c’est-à-dire le fils contre son père, la fille contre sa mère, la contre sa belle-mère »[3]. Quel glaive a fait ces divisions, sinon le glaive apporté par le Christ ? Et en effet, mes frères, c’est là ce que nous voyons tous les jours. Un jeune homme veut servir Dieu, son père s’y oppose : les voilà divisés l’un contre l’autre. L’un promet un héritage sur la terre, l’autre veut celui-là du ciel : autre est la promesse de celui-là, autre le choix de celui-ci. Que le père néanmoins ne crie pas à l’injure, on ne lui préfère que Dieu seul ; et pourtant il dispute à son fils le droit de servir Dieu selon ses vœux. Mais le glaive de Dieu qui les sépare est plus que la nature charnelle qui les unit. Cela se vérifie encore dans la fille à l’égard de sa mère, et bien plus dans la bru à l’égard de sa belle-mère. Souvent dans la même maison on voit la bru et la belle-mère, l’une catholique, l’autre hérétique ; et lorsque ce glaive a puissamment frappé, nous n’avons pas à redouter un second baptême. La fille a pu être séparée de sa mère, et la bru ne pourrait l’être de sa belle-mère.
12. C’est là ce qui est arrivé d’une manière générale dans le genre humain : le fils a pris parti contre son père. Nous étions jadis fils du diable, et quand nous étions encore infidèles on nous a dit : « Vous avez le diable pour père »[4]. Et d’où venait en nous toute infidélité, sinon de ce diable notre père ? Il était notre père, non qu’il nous eût créés, mais parce que l’imitation nous avait faits ses enfants. Aujourd’hui nous voyons le fils prenant parti contre son père. Par l’effet de ce glaive sacré il renonce au démon et trouve un autre père comme une autre mère. Le démon, en se proposant pour modèle, n’engendrait que pour la mort ; les deux parents que nous trouvons nous engendrent à la vie éternelle. Le fils prend parti contre son père, la fille contre sa mère ; ceux d’entre les Juifs qui crurent au Christ prirent parti contre la Synagogue. La bru prend parti contre sa belle-mère ; on appelle bru cette multitude venue des Gentils, parce qu’elle a pour Époux le Christ, Fils de la Synagogue. D’où était le Fils de Dieu selon la chair ? De la Synagogue. C’est lui qui a quitté son père et sa mère pour s’attacher à son Épouse, afin qu’ils fussent deux dans une même chair[5] ; et ceci n’est point une conjecture, puisque l’Apôtre nous dit : « Ce sacrement est grand, je dis dans le Christ et ce dans l’Église »[6]. Pour s’unir à la nature humaine, il a donc quitté son Père en quelque sorte, car il ne l’a point quitté de manière à s’en séparer entièrement. Comment l’a-t-il quitté ? « C’est qu’ayant la nature de ce son Père, il n’a point cru faire une usurpation de s’égaler à Dieu ; et néanmoins il s’est anéanti en prenant la forme de l’esclave »[7]. Et sa mère, comment l’a-t-il quittée ? En quittant le peuple juif, cette synagogue attachée aux rites anciens. Il en donnait une figure quand il disait : « Quelle est ma mère et quels sont mises frères ? »[8] Il enseignait au dedans, tandis que sa mère et ses frères se tenaient au-dehors. Voyez s’il n’en est pas ainsi des Juifs aujourd’hui. Le Christ enseigne dans l’Église, eux s’obstinent dehors. Quelle est donc cette belle-mère ? C’est la synagogue, mère de l’Époux, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Sa bru, c’est l’Église qui est venue

  1. Ps. 104,2
  2. Id. 44,4
  3. Mt. 10,34-35 ; Lc. 12,51-53
  4. Jn. 8,44
  5. Gen. 2,24
  6. Eph. 5,32
  7. Phil. 2,6
  8. Mt. 12,48