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DISCOURS SUR LE PSAUME 44

PRÊCHÉ AU PEUPLE DE CARTHAGE[1]

L’ÉPITHALAME DE L’ÉGLISE

Ce psaume est pour les fils de Coré ou du Chauve ; mais à ce propos, gardons-nous de ressembler aux enfants qui insultaient à Elisée, soyons enfants, mais par l’innocence. Ce psaume est pour ceux qui se convertiront et pour le bien-aimé. Ce bien-aimé est le Verbe fait chair, – sa beauté, sa bonté, – sa puissance créatrice, – sa promptitude, – la grâce de ses lèvres, – son glaive ou sa parole, qui divise le fils contre le père, – son humanité qui nous attire, – sa justice, sa vérité, sa douceur, son trône éternel, son sceptre qui nous redresse, l’onction qui le fait le Christ. – Vêtement de l’Épouse ou de l’Église, une dans sa foi ; avec la variété des langues, – elle est la bonne odeur du Christ pour la vie et pour la mort. – Ses palais ou les cœurs des saints. – Les filles des rois sont les filles des Apôtres converties ou engendrées au Christ. Beauté intérieure de la reine. – Les filles des rois viennent après elle avec des présents ou des œuvres de charité. – Les évêques successeurs des Apôtres. Beauté extérieure, ou bon exemple.


1. Je vous conjure, mes frères, d’apporter autant d’attention pour considérer ce psaume avec nous, que nous avons mis de joie à le chanter avec vous. On le chante en effet aux saintes épousailles de l’Époux et de l’Épouse, roi et du peuple, du Sauveur et de ceux qu’il doit sauver. Celui qui vient à ces noces avec la robe nuptiale, cherchant la gloire de l’Époux, et non la sienne propre, apporte non seulement cette attention que donnent les hommes qui aiment les spectacles sans en donner eux-mêmes, mais il grave ces paroles dans son cœur, afin qu’elles n’y demeurent point stériles, qu’elles y germent au contraire, qu’elles éclosent, qu’elles croissent, qu’elles mûrissent un fruit que Dieu puisse récolter. C’est pour nous que le psaume doit se chanter, pour nous qui devons être les fils de Coré, comme l’indique le titre. Ces fils de Coré étaient des hommes ; et toutefois, pour l’homme spirituel, toute inscription de l’Écriture une signification qu’il ne suffit pas d’écouter, mais qu’il faut comprendre. Nous cherchons dans l’hébreu la valeur de ce mot et les interprétations de toutes les expressions de l’Écriture nous enseignent que les fils de Coré signifient les enfants du Chauve. Gardons-nous de railler ce nom, de peur qu’on ne trouve en nous ces moqueries enfantines des jeunes gens qui insultaient le prophète Elisée, comme nous lisons au livre des Rois, et qui criaient derrière lui : « Monte, chauve, monte »[2]. Telle était la stupide insolence de ces enfants qui le maudissaient à leur propre perte ; des ours sortis de la forêt les dévorèrent. Voilà ce qui est écrit, nous vous avons cité l’endroit : « Ceux qui ont de la mémoire peuvent s’en souvenir ; ceux qui ne s’en souviennent point peuvent lire ; et ceux qui ont lu doivent croire. Quel était pour l’avenir le sens de cette figure, c’est là ce que nous devons éviter. Ces enfants étaient la figure de ces hommes insensés, dont l’ignorance est l’apanage ; ce que l’Apôtre veut éloigner de nous quand il dit : « Ne soyez point sans discernement comme les enfants »[3]. Et parce que le Seigneur nous avait invités à imiter les enfants quand il prit l’un d’eux devant lui et qu’il dit : « Si quelqu’un ne devient comme cet enfant, il n’entrera point dans le royaume des cieux »[4], l’Apôtre a soin de nous détourner de l’ignorance des enfants, et de recommander leur simplicité à notre imitation : « Gardez-vous », nous dit-il, « de l’ignorance des enfants, mais soyez comme eux sans malice, « afin que par la prudence vous deveniez des « hommes faits ». Que celui qui se plaît à imiter les enfants, mette son plaisir dans leur simplicité et non dans leur ignorance. Ceux-ci donc, dans leur ignorance, insultaient au saint de Dieu qui était chauve, et criaient derrière

  1. Dans le manuscrit de Corbie on lit ce titre : 5 des nones de septembre, le mercredi, ce discours fut prononcé dans la basilique Restituée, sur le psaume XLIV. Or, au greffe de cette basilique on trouve que plusieurs conciles de Carthage y furent célébrés, entre autres le grand concile, qui eut lieu l’an 401, le 13 septembre. Les vieux manuscrits de Reims portent le même titre que celui de Corbie.
  2. 2 R. 2,23
  3. 1 Cor. 14,20
  4. Mt. 18,2-3