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 venus fondre sur nous, et nous ne vous avons pas oublié ». Qu’est-ce à dire : « Et nous ne vous avons pas oublié ? Et nous n’avons point répudié votre alliance ; et notre cœur ne s’est point retiré de vous ; et nos pas ne se sont point égarés loin de vos sentiers »[1]. C’est là l’intelligence, que notre cœur ne s’éloigne pas de vous, que nous ne vous mettions pas en oubli, que nous ne commettions pas le mal dans votre alliance, nous qui sommes en butte aux tribulations et aux vexations des païens. « Pourtant vous avez détourné nos sentiers de votre voie ». Nos sentiers sont dans les voluptés du siècle ; nos sentiers sont dans la prospérité des biens temporels ; or, vous avez détourné nos sentiers de votre voie, et nous avez montré combien est peu large et combien est étroite la voie qui conduit à la vie. « Et vous avez détourné nos sentiers de votre voie ». Que signifie cette parole, que « nos sentiers sont loin de votre voie ? » C’est comme s’il nous disait : Vous êtes dans l’angoisse, vous avez beaucoup à souffrir, vous avez perdu ici-bas bien des choses que vous aimiez ; mais moi, je ne vous ai point abandonné dans cette voie dont je vous ai dit qu’elle est étroite. Vous cherchiez de larges sentiers ; et moi, qu’est-ce que je vous dis ? C’est par là qu’on arrive à la vie éternelle ; celle que vous voulez prendre conduit à la mort. « Combien est large et spacieuse la voie qui conduit à la mort, et combien en est-il qui la suivent ! Combien est petite et étroite la voie qui conduit à la vie, et combien peu y veulent marcher[2] ! » Quel est ce petit nombre ? Ceux qui souffrent les afflictions, qui endurent les épreuves, qui ne se laissent point abattre dans les maux de cette vie, qui ne se réjouissent pas pour une heure seulement de la parole de Dieu, pour sécher au temps de l’épreuve comme sous les feux du soleil[3], mais qui ont les racines de la charité, comme nous venons de l’entendre dans l’Évangile[4]. Ayez donc, vous dirai-je, la racine de la charité, afin que vous ne soyez point brûlés, mais alimentés par le soleil qui se lèvera. « Tous ces maux sont venus foudre sur nous, et nous ne vous avons point oublié, et nous n’avons pas répudié votre alliance, et notre cœur ne s’est point retiré de vous ». Mais parce que nous en agissons de la sorte au milieu des tribulations, déjà nous marchons dans la voie étroite ; « et vous, vous avez détourné vos sentiers de notre voie ».
18. « Et pourtant vous nous avez oubliés dans le lieu de notre faiblesse ». Vous nous relèverez donc dans le lieu de notre force. « Et l’ombre de la mort nous a couverts »[5], La mortalité est pour nous l’ombre de la mort. La véritable mort sera d’être condamné avec Satan.
19. « Si nous avons oublié le nom de notre Dieu ». C’est là l’intelligence pour les fils de Coré. « Si nous avons tendu les bras vers les dieux étrangers »[6].
20. « Dieu ne doit-il pas rechercher ces crimes, lui qui connaît le secret des cœurs »[7] Il le connaît, et pourtant il le recherche ; s’il connaît le secret des cœurs, que devient cette parole : « Le Seigneur ne doit-il pas rechercher tout cela ? » Il le connaît pour lui-même, il le cherche à cause de nous. Souvent, en effet, le Seigneur dit qu’il recherche et qu’il comprend ce qu’il nous fait comprendre. Il te dit alors ce qu’il fait en toi, et non ce qu’il connaît. Nous disons en effet d’un jour qu’il est joyeux, quand il est serein ; or, le jour ressent-il de la joie ? Mais nous vous disons qu’il est joyeux, parce qu’il nous procure de la joie. De même nous disons : Un ciel triste, non que les nuées soient capables de sens, mais parce que les hommes à cette vue sont tristes eux-mêmes ; on appelle triste ce qui peut les contrister. De même on dit que Dieu connaît, quand il nous fait connaître. Dieu dit à Abraham : « C’est maintenant que je connais la crainte pour le Seigneur »[8]. Ne la connaissait-il donc pas auparavant ? Mais Abraham ne se connaissait point, et ce fut à cette épreuve qu’il apprit à se connaître. Souvent, en effet, l’homme croit pouvoir ce qu’il ne peut réellement, ou il croit ne pouvoir point ce qu’il peut ; il arrive alors que la divine Providence le met à l’épreuve, et qu’à cette épreuve il se connaît ; or, on dit alors que Dieu connaît ce qu’il nous a fait connaître ainsi. Pierre se connaissait-il quand il dit au Médecin : « Je suis avec vous jusqu’à la mort ? »[9]. Mais le Médecin lui avait tâté le pouls, et connaissait chez ce malade l’intérieur que le malade ne connaissait point. La tentation survint : le

  1. Ps. 43,18-19
  2. Mt. 7,13-14
  3. Id. 13,20-23
  4. Mc. 4,16-20
  5. Ps. 43,20
  6. Id. 21
  7. Id. 12
  8. Gen. 13,12
  9. Mat. 26,35