pendant l’hiver. Donc, au moment de l’été, quand vous êtes heureux et dans le calme, écoutez la parole du Seigneur. Comment, en effet, vous serait-il possible, au milieu des tempêtes de ce monde, de traverser toute cette mer sans aucune tribulation ? Comment cela pourrait-il se faire ? Quel homme l’a déjà fait ? Si cela est arrivé à quelqu’un, cette paix est encore plus à craindre. « Le Seigneur promet « pendant le jour la miséricorde qu’il fait sentir pendant la nuit ».
17. Que fais-tu donc dans ton pèlerinage ? Oui, que fais-tu ? « J’ai dans mon âme une prière pour le Dieu de ma vie »[1]. Voilà ce que je fais ici-bas, pauvre cerf altéré, soupirant après les fontaines d’eau vive, au souvenir de cette voie qui m’a conduit à travers le tabernacle, jusqu’à la maison de Dieu, Quand cette chair corruptible appesantit mon âme[2] : « J’ai en moi une prière pour le Dieu de ma vie ». Je n’irai pas, en effet, acheter au-delà des mers des présents pour les offrir à mon Dieu ; pour qu’il m’écoute plus favorablement, je n’irai point sur des vaisseaux chercher au loin de l’encens et des aromates, et je ne prendrai, dans mon troupeau, ni veau ni bélier. « J’ai dans mon âme une prière pour le Dieu de ma vie ». J’ai dans l’âme une victime à immoler ; dans l’âme, de l’encens à lui offrir ; dans l’âme encore, un sacrifice pour fléchir mon Dieu : « Une âme brisée par la douleur est un sacrifice agréable à Dieu »[3]. Or, vois quel est ce sacrifice d’une âme brisée, que j’ai en moi : « Je dirai à Dieu : Vous êtes mon « soutien, pourquoi m’avez-vous oublié ? » car je souffre ici-bas comme si vous m’aviez oublié. Toutefois vous m’exercez par ces douleurs ; et je sais que si vous différez, vous ne me ravissez point l’objet de vos promesses ; et néanmoins, pourquoi m’avez-vous oublié ? Notre chef a dit lui-même en notre nom « O Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? »[4] Je dirai à mon Dieu : Vous êtes mon soutien, pourquoi m’avez-vous oublié ?
18. « Pourquoi m’avez-vous repoussé ? » loin de ces sources profondes de l’intelligence et de l’immuable vérité. Pourquoi me repousser ? Pourquoi me rejeter dans ces bas-fonds, quand le poids si lourd de mon iniquité me faisait soupirer après le ciel ? C’est le même qui dit ailleurs : « J’ai dit dans mon extase » ; dans cette même extase sans doute où il a vu je ne sais-quoi de sublime. « J’ai dit dans mon extase : Me voilà rejeté loin de vos regards »[5]. Il compare les lieux où il se trouve avec ces régions auxquelles il s’était élevé, et alors il se voit rejeté loin des regards du Seigneur, comme il dit ici : « Pourquoi me repousser loin de vous ? Pourquoi marché-je dans ma tristesse, pendant que mon ennemi m’afflige, pendant qu’il brise mes os »[6], ce tentateur, qui est le diable, au milieu des scandales, qui vont toujours croissant, et qui refroidissent la charité de beaucoup[7] ? Quand nous voyons dans l’Église les vaillants succomber bien souvent sous les scandales, le corps du Christ ne dit-il point : « Pourquoi l’ennemi a-t-il brisé mes os ? » Car ces os, ce sont les forts qui parfois succombent eux-mêmes à la tentation. À la vue de ces malheurs, tout membre du Christ ne s’écrie-t-il pas avec la voix du Christ : « Pourquoi me rejeter ? pourquoi marché-je dans la tristesse, quand mon ennemi m’afflige et brise mes os ? » Non content de s’en prendre à ma chair, il brise encore mes os ; en sorte que ceux dont on attendait de la résistance, vous les voyez céder à l’épreuve ; et alors, en voyant succomber les forts, les faibles sont dans le désespoir. Quels dangers pour nous, mes frères !
19. « A la persécution ils ajoutent l’injure ». Voici encore ces défis insolents : « Chaque jour ils me disent : Où est ton Dieu ?[8] » C’est principalement dans les épreuves de l’Église, qu’ils nous répètent : « Où est ton Dieu ? » Combien les martyrs ont entendu ces défis, pendant qu’ils souffraient courageusement pour l’amour du Christ ? combien de fois on leur a dit : Où est votre Dieu ? Qu’il vous délivre, s’il peut. Les hommes voyaient au-dehors leurs tourments, ils ne voyaient pas leurs couronnes à l’intérieur. « A la persécution ils ajoutent l’injure, en me disant chaque jour : Où est ton Dieu ? » Et moi, que répondrai-je à ces provocations, quand mon âme est troublée en moi-même ; que lui dirai-je, sinon : « Pourquoi cette tristesse, ô mon âme, et pourquoi me troubler ? »[9] Et comme si elle me répondait : Veux-tu que je ne te cause aucun trouble, au
Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/464
Cette page n’a pas encore été corrigée