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que nous n’étions partis. Ce n’est point ici que nous avons été baptisés ; mais l’Église dans laquelle nous avons été baptisés[1], est célèbre dans l’univers entier. Il y a plusieurs de nos frères qui connaissent que nous avons reçu le baptême, parce qu’ils l’ont reçu avec nous. Il est aisé de savoir tout cela, pour peu que nos frères en soient dans l’inquiétude. Mais serait-ce satisfaire les Donatistes que leur apporter le témoignage d’une Église avec laquelle ils ne communiquent pas ? C’est avec raison qu’ils ignorent qu’au-delà des mers j’ai été baptisé dans le Christ, puisqu’au-delà des mers ils n’ont point de Christ. Celui-là seul possède le Christ au-delà des mers, qui est outre-mer en communion avec l’Église universelle. Comment un Donatiste pourrait-il savoir où j’ai été baptisé, lui dont la communion passe à peine la mer ? Toutefois, mes frères, que leur dirai-je ? Pensez de moi comme il vous plaira : si je suis bon, je suis froment dans l’Église du Christ ; si je suis mauvais, je ne suis que paille dans l’Église du Christ, et néanmoins je ne sors pas de l’aire. Mais toi, emporté dehors par le vent de la tentation, qui es-tu ? Le vent n’emporte pas le froment hors de l’aire ; par le lieu où tu es, reconnais ce que tu vaux.
20. Mais, me diras-tu, qui es-tu donc pour tant parler contre nous ? Qui que je sois, fais attention aux paroles, non à celui qui parle. Pourtant, diras-tu, le Seigneur a dit au pécheur : « Pourquoi ouvrir la bouche pour parler de mon alliance[2] ? » Que Dieu parle ainsi, je le sais, il y a une sorte de pécheurs auxquels Dieu le dit avec raison ; mais à quelque pécheur qu’il tienne ce langage, s’il le fait, c’est qu’il ne sert de rien au pécheur de parler de la loi de Dieu. Mais cela ne peut-il être avantageux à ceux qui l’écoutent ? Selon Jésus-Christ nous avons dans l’Église deux sortes de prédicateurs, des bons et des méchants. Que disent les bons en prêchant : « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ[3] ? » Qu’est-il dit aux bons ? : « Soyez l’exemple des fidèles[4] ». Voilà ce que nous tâchons d’être ; ce que nous sommes, celui-là le sait qui entend nos gémissements. Toutefois il est dit à propos des méchants : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la « chaire de Moïse ; faites ce qu’ils vous disent et non ce qu’ils font[5] ». Tu le vois, dans la chaire de Moïse, à laquelle a succédé la chaire du Christ, on voit s’asseoir des bons et des méchants ; mais en disant le bien, ils ne nuisent pas à l’auditeur. Pourquoi donc as-tu abandonné la chaire à cause du méchant qui s’y assied ? Reviens à la paix, reviens à la concorde qui ne t’est point nuisible. Si mes paroles sont bonnes, mes œuvres bonnes, imite-moi ; si je ne fais pas le bien que je prêche, tu as le conseil du Seigneur ; fais ce que je dis, évite ce que je fais ; mais ne te sépare point de la chaire catholique. Voilà qu’au nom du Christ nous allons partir, et ils vont parler beaucoup. Qui les arrêtera ? Méprisez tout ce qui regarde notre personne. Ne leur dites que ceci : Mes frères, répondez à la question ; l’évêque Augustin est dans l’Église catholique ; il porte sa besace dont il rendra compte à Dieu ; je l’ai vu parmi les bons ; s’il est mauvais, il le sait ; s’il est bon, ce n’est pas même en lui que j’espère. J’ai appris avant tout, dans l’Église catholique, à ne pas mettre mon espoir dans un homme. Vous avez donc raison, vous autres, de reprendre les hommes, puisque c’est dans l’homme que repose votre espoir. Oui, quand ils accuseront notre vie, méprisez tout cela. Nous savons quelle place nous avons dans vos cœurs, parce que nous savons quelle place vous occupez dans le nôtre. Ne prenez point contre eux notre parti. Quoi qu’ils vous disent de nous, passez vite, de peur que, en vous fatiguant à me défendre, vous n’abandonniez votre propre cause. Ils agissent avec adresse ; et, dans la crainte qu’on n’aborde la discussion de leur cause, ils s’efforcent de nous détourner ailleurs, afin que, tout entiers à nous justifier, nous ne puissions rien dire pour les convaincre. Vous dites que je suis mauvais, et j’en dis bien plus de moi-même ; laissez là ce sujet, traitons la question même, écoutez la cause de l’Église et voyez où vous en êtes, Que la vérité vous parle de tous côtés, écoutez-la avec avidité ; de peur que le pain ne vous manque à jamais, quand vous cherchez toujours à blâmer, à dédaigner, à calomnier le vase dans lequel on vous le présente.

  1. Voy. liv. 9 des Confes. ch. 6
  2. Ps. 49,16
  3. 1 Cor. 4,10
  4. 1 Tim. 4,12
  5. Mt. 23,2-3