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selon la volonté de Dieu, et non celle-ci se courber selon la tienne : alors seulement tu auras un cœur droit. Es-tu heureux en ce monde ? Bénis Dieu qui te console. Es-tu dans la peine ? Bénis Dieu qui te châtie et t’éprouve : et alors tu auras le cœur droit et tu diras : « Je bénirai le Seigneur en tout temps ; sa louange sera toujours dans ma bouche »[1].
17. « Que le pied de l’orgueil ne s’attache point à moi »[2]. Déjà le Prophète a dit : « Les enfants des hommes espéreront à l’ombre de vos ailes, ils s’enivreront au torrent des voluptés de votre palais ». Qu’il prenne garde à l’orgueil celui qui sentira couler sur lui l’eau sacrée. Elle ne faisait point défaut au premier homme, Adam ; mais il fut heurté par le pied de l’orgueil, il fut ébranlé par la main du pécheur ou par la main orgueilleuse de Satan. Ce séducteur, qui avait dit : « J’établirai mon trône vers l’Aquilon »[3], dit à Adam pour le persuader : « Goûtez du fruit, et vous serez comme des dieux »[4]. Donc c’est par l’orgueil que nous sommes tombés et réduits à passer par la mort. Comme l’orgueil nous avait blessés, l’humilité nous guérira. Dieu est venu dans son humilité pour guérir chez l’homme cette immense blessure de l’orgueil. Il est venu, puisque « le Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous »[5]. Il a souffert que les Juifs le prissent pour l’insulter. L’Évangile vient de vous dire quels hommes, et à qui ils dirent : « Vous êtes possédé du démon »[6] ; mais lui ne leur dit point : C’est vous qui êtes en la puissance du démon, puisque vous demeurez dans votre péché et que le diable règne dans vos cœurs. Tel ne fut point son langage, qui toutefois eût été vrai ; mais ce n’était pas le temps de parler ainsi, de peur qu’il parût moins prêcher la vérité que repousser l’injure par l’injure. Il oublie ce qu’il a entendu, comme s’il ne l’avait point entendu ; car il était médecin et venait pour guérir un frénétique. De même que les paroles d’un frénétique ne sont rien pour un médecin, qui ne s’inquiète que de sa santé et de sa guérison, qui en reçoit un coup de poing sans y faire attention et ne lui en fait pas moins de nouvelles blessures, cherchant à guérir une fièvre invétérée ; ainsi Notre-Seigneur est venu guérir un malade, il est venu près d’un frénétique, résolu à mépriser toutes ses récriminations, toutes ses injures. Il voulait par là donner à tous des leçons d’humilité, et par l’humilité les guérir de l’orgueil, de cet orgueil dont le Prophète supplie que Dieu le délivre, en disant : « Que le pied de l’orgueil ne s’attache point à moi ; que la main du pécheur ne puisse m’ébranler »[7]. Car si le pied de l’orgueil s’attache à nous, la main du pécheur nous ébranle. Quelle est cette main du pécheur ? L’œuvre qui nous porte au mal. Es-tu orgueilleux ? Celui qui te porte au mal te corrompra bientôt. Affermis-toi en Dieu par l’humilité, et mets-toi peu en peine de ce que l’on te dira. Aussi est-il dit ailleurs : « Purifiez-moi de mes fautes cachées, épargnez à votre serviteur les fautes des autres »[8]. Qu’est-ce à dire, « mes fautes « cachées ? » c’est-à-dire : « Que le pied de l’orgueil ne s’attache point à moi ». « Épargnez à votre serviteur les péchés des autres », c’est-à-dire : « Que la main du pécheur ne m’ébranle point ». Défends bien l’intérieur, et tu n’auras rien à craindre du dehors.
18. Et comme si l’on demandait au prophète : Pourquoi craindre ainsi l’orgueil ? C’est répond-il, que « là sont tombés tous ceux qui commettent l’iniquité »[9] ; pour en venir à cet abîme dont il est dit : « Vos jugements sont de profonds abîmes, et se précipiter enfin dans ces profondeurs où sont tombés les pécheurs qui méprisent Dieu[10]. « Ils sont tombés ». Mais comment sont-ils tombés ? D’abord par le pied de l’orgueil. Or, écoutez ce qu’est le pied de l’orgueil. « Ils ont connu Dieu et ne l’ont point glorifié comme Dieu »[11]. Le pied de l’orgueil les a donc touchés, et de là ils sont tombés dans l’abîme. « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs cœurs, et ils se sont couverts de honte »[12]. Le prophète craint donc et la racine du péché, et la tête du péché, quand il dit : « Que le pied de l’orgueil ne me heurte point ». Pourquoi l’appeler un pied ? c’est que l’orgueil a porté l’homme à déserter le Seigneur et à s’en éloigner. C’est son affection qu’il appelle son pied. « Que le pied de l’orgueil ne me heurte point, que la main du pécheur ne m’ébranle point, c’est-à-dire, que les œuvres du pécheur ne me séparent point de vous, ne me portent pas à les

  1. Ps. 22,2
  2. Id. 35,12
  3. Isa. 14,13
  4. Gen. 3,5
  5. Jn. 1,14
  6. Id. 3,48
  7. Ps. 35,12
  8. Id. 18,13-14
  9. Id. 35,13
  10. Prov. 18,3
  11. Rom. 1,21
  12. Id. 24