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22. « C’est lui qui connaît toutes leurs œuvres »[1]. Qu’est-ce à dire, qu’il les connaît ? qu’il pénètre les secrets de notre intérieur. Il est dit dans un autre psaume : « Comprenez le cri de ma douleur »[2]. Car il n’est pas besoin de hauts cris pour que notre prière arrive aux oreilles de Dieu. La vue secrète se nomme intelligence. Le Prophète a parlé avec plus de précision que s’il eût dit : Il voit toutes leurs œuvres ; tu aurais pu croire que l’on toit ces mêmes œuvres, comme tu vois un tomme travailler. L’homme voit l’œuvre matérielle d’un autre homme ; c’est Dieu qui voit dans son cœur. C’est donc parce qu’il pénètre à l’intérieur qu’il est dit : « Il comprend toutes leurs œuvres ». Deux hommes font l’aumône à un pauvre, l’un se propose une récompense céleste, et l’autre la louangé humaine : pour toi, tu ne vois qu’un seul acte, tandis que Dieu en voit deux ; car il comprend l’intérieur ; il connaît leurs cœurs, il y voit le but qu’ils se proposent, il y découvre leurs intentions, lui « qui comprend toutes leurs œuvres ».
23. « Ce ne sont point les forces nombreuses qui sauveront le roi »[3]. Elevons-nous tous vers Dieu, soyons tous en Dieu. Que Dieu soit ton espoir, que Dieu soit ta force, ton soutien, qu’il soit ta prière et ta louange ; qu’il soit la fin où tu trouves ton repos, ton encouragement dans le travail. Écoute bien cette vérité : « Ce ne sont point les forces nombreuses qui sauveront le roi, et le géant ne trouvera point son salut dans sa grande puissance ». Ce géant, c’est l’orgueilleux qui s’élève contre Dieu, comme si en lui-même et par lui-même litait quelque chose. Ce n’est point dans sa grande puissance qu’il trouvera le salut.
24. Mais il a un cheval tout à la fois grand, tact, vigoureux et léger, qui pourra au besoin le délivrer promptement du péril ? Illusion ! qu’il écoute ce qui suit « Un coursier ! vain espoir de salut »[4]. Comprenez-vous bien cette parole, qu’un coursier vous trompe quand il s’agit de salut ? Que ce cheval ne vous promette point de vous sauver ; et s’il vous le promet, il trahira sa promesse. Vous serez délivré si Dieu veut bien vous délivrer et si Dieu ne le veut point, votre cheval s’abattra, et vous n’en tomberez que de plus haut. N’allez donc pas croire que cette expression « dans l’affaire du salut, un cheval est trompeur », mendax equus, signifie que le juste se trompe dans le salut, et que les justes sont menteurs en se promettant le salut : on n’a point écrit aequus, qui dérive d’équité ou de justice, mais bien equus, l’animal quadrupède. C’est ce que nous voyons dans le grec, ipos : et dans ces animaux vicieux, le Prophète réprimande ces hommes qui cherchent les occasions de mentir ; bien que l’Écriture dise : « La bouche qui ment tue l’âme »[5] ; et encore : « Vous perdrez ceux qui profèrent le mensonge »[6]. Qu’est-ce donc que « ce cheval qui ment pour le salut ? » C’est-à-dire qu’il vous trompe quand il promet de vous sauver. Or, un cheval peut-il parler et promettre le salut ? Mais toi, quand tu vois un cheval bien conformé, vigoureux, bon coursier, tout cela te promet en lui le salut au besoin ; c’est là une erreur, si Dieu lui-même ne te sauve, car « un cheval est un vain espoir de salut ». Prends encore le cheval au figuré, pour toute grandeur humaine, ou pour quelque degré d’honneur auquel tu montes avec faste : plus ton élévation est grande, plus aussi tu te crois, non seulement honorable, mais en sûreté. Mais illusion encore ! car tu ne sais de quelle manière ce coursier te renversera, d’une manière d’autant plus désastreuse que tu étais plus élevé. « Un cheval est trompeur, quant au salut, et on ne sera point sauvé dans la surabondance de ses forces ». Par quel moyen sera-t-on sauvé ? Ce ne sera ni par sa vertu, ni par ses forces, ni par ses honneurs, ni par sa gloire, ni par son cheval. Mais par quel moyen, et où irai-je pour trouver un moyen de salut ? Ne cherche ni longtemps, ni au loin. « Voilà que les yeux du Seigneur s’arrêtent sur ceux qui le craignent u. Vous voyez que ce sont bien ceux qu’il a regardés du haut de son tabernacle. « Voilà que les yeux du Seigneur s’arrêtent sur ceux qui le craignent, et qui espèrent en sa miséricorde » : non point dans leurs propres mérites, non point dans leur vertu, ni dans leur force, ni dans un cheval, mais bien dans sa miséricorde.
25. « Afin de dérober leurs âmes à la mort »[7]. Voilà qu’il promet la vie éternelle. Mais pendant le pèlerinage de cette vie, les va-t-il abandonner ? « Afin de les nourrir pendant la famine ». Nous sommes au temps de la famine, celui de l’abondance viendra plus tard.

  1. Ps. 32,15
  2. Id. 5,2
  3. Ps. 32,16
  4. Id. 17
  5. Sag. 1,11
  6. Ps. 5,7
  7. Id. 32,19