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terre seront bénies en celui qui sortira de toi »[1]. Presque partout le Christ est prédit par les prophètes, sous les voiles du symbole, tandis que l’Église l’est directement : afin que ceux-là puissent la voir qui doivent se déclarer contre elle, et que s’accomplisse cri eux cette iniquité prédite par le psalmiste « Ceux qui me voyaient s’enfuyaient au-dehors et loin de moi ». Ils sont sortis du milieu de nous, dit saint Jean, à propos de ces apostats, mais ils n’étaient pas de nous[2].
10. « J’ai été mis en oubli, comme un mort effacé du cœur »[3]. On m’oublie, je suis tombé dans l’oubli, ceux qui m’ont vu m’ont oublié, comme si j’étais mort dans leur cœur. Je suis oublié comme le mort effacé du cœur ; je suis tomme un vase inutile »[4]. Pourquoi est-il comme le vase inutile ? Il se fatiguait, et ne servait à personne : il s’est alors considéré comme un vase, et comme il ne servait à personne, il s’appelle un vase inutile.
11. « J’ai entendu le blâme de ceux qui m’environnaient »[5]. Ils sont nombreux ceux qui demeurent autour de moi pour m’assaillir de leurs blâmes. Quelles imprécations ne font-ils point contre les mauvais chrétiens, imprécations qui retombent sur les chrétiens en général : « Celui qui jette sur nous le reproche ou le blâme, s’en vient-il dire : Voyez ce que font ceux des chrétiens qui sont mauvais ? Non, mais bien sans aucune distinction : Voilà ce que font les chrétiens. Tel est cependant le langage de ceux qui m’environnent, c’est-à-dire qui tournent autour de moi sans entrer. Pourquoi tourner ainsi et n’entrer point ? C’est qu’ils aiment le cercle du temps. Ils n’entrent pas dans la vérité parce qu’ils n’aiment pas l’éternité ; attachés qu’ils sont aux choses temporelles, et comme liés à la roue ; c’est d’eux que le Prophète a dit ailleurs : « Faites-leur des princes mobiles comme la roue »[6] ; et encore : « Les impies tournent comme dans un cercle »[7]. Dans leurs complots contre moi, « ils délibéraient des moyens de me ravir mon âme ». Que signifie : « Ils délibéraient sur les moyens de me ravir mon âme ? » C’est-à-dire sur les moyens de m’amener à leur dépravation. Pour ceux qui maudissent l’Église, sans entrer dans son giron, c’est peu de n’y entrer point, ils veulent encore nous en faire sortir au moyen de leurs calomnies. Mais s’ils te font sortir de l’Église, ils se sont emparés de ton âme, ils ont surpris ton assentiment ; alors tu es autour de l’Église, et non plus en elle.
12. Pour moi, au milieu de tant d’opprobres, de tant de scandales, de tant de maux et de tant de pièges, ne trouvant au-dehors que l’injustice, au dedans que désordres, cherchant de toutes parts des hommes que je pusse imiter, sans néanmoins en trouver, qu’ai-je fait ? à quel parti me suis-je arrêté ? « J’ai mis en vous mon espoir, ô mon Dieu ». Rien de plus avantageux, ni de plus sûr. Tu voulais prendre je ne sais qui pour modèle, et tu ne l’as point trouvé bon ; ne pense plus à l’imiter. Tu en as cherché un second, et je ne sais quoi te déplaît en lui ; tu en cherches lin troisième qui ne te plaît pas davantage ; faut-il que tu périsses, parce que ni l’un ni l’autre ne te plaisent ? Cesse d’espérer dans un homme, car « maudit celui qui a mis dans un homme son espoir[8] ». Vouloir t’appuyer sur un homme, l’imiter, en dépendre, c’est ne vouloir que du lait pour nourriture ; c’est ressembler à des enfants qui veulent toujours la mamelle, alors même qu’il n’est plus convenable. Prendre du lait, vouloir que la nourriture ne nous arrive que par le canal de la chair, c’est là vouloir vivre par un homme. Sois donc en état de manger à table, de prendre cette nourriture qu’il prend, ou que peut-être il n’a jamais prise. Il est peut-être utile pour toi de n’avoir trouvé qu’un mauvais homme dans celui que tu croyais homme de bien, de n’avoir sucé dans cette mamelle que tu cherchais comme celle de ta mère, qu’une amertume qui t’en a repoussé, afin que cette déception te fît chercher une plus solide nourriture. C’est ce que font tous les jours les nourrices pour les enfants difficiles à sevrer ; elles mettent sur leurs mamelles quelque chose d’amer, afin que ces enfants, repoussés par le dégoût, quittent la mamelle et recherchent la table. Disons donc : « C’est « en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espoir ; « j’ai dit : Vous êtes mon Dieu u. C’est vous, qui êtes mon Dieu ; arrière Donat ! arrière Cécilien, ni l’un ni l’autre n’est mon Dieu, Ce n’est pas au nom d’un homme que je vis,

  1. Gen. 21,16-18
  2. Jn. 2,19
  3. Ps. 30,13
  4. Id.
  5. Id. 14
  6. Id. 82,14
  7. Id. 11,9
  8. Jer. 17,5