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l’a frappé ; parce que son attention ne s’arrêtait pas à celui qui frappait, mais à celui qui permettait. Le diable, à son tour, appelle main de Dieu ce pouvoir qu’il sollicitait. Car voulant trouver des crimes dans cet homme juste à qui Dieu rendait témoignage, Satan dit à Dieu : « Est-ce en vain que Job rend un culte au Seigneur ? Ne l’avez-vous pas entouré comme d’un rempart, lui, sa maison, et tous ses biens ? Vous avez béni le travail de ses mains, et ses possessions se sont accrues sur la terre ; vous l’avez comblé de si grands biens, que c’est pour cela qu’il vous sert. Mais étendez votre main sur lui, frappez tout ce qui lui appartient, et vous verrez s’il vous bénira »[1]. Que signifie : « Étendez votre main », quand lui-même voulait frapper ? Comme il ne pouvait lui-même frapper, il appelle main de Dieu, ce pouvoir de frapper qu’il reçoit du Seigneur.
8. Que dirons-nous donc, mes frères, à la vue de ces grands maux, que nos ennemis ont fait endurer aux chrétiens, de leur délire, de leur joie féroce ? Quand sera-t-il donc visible, que leur joie était fausse ? Quand les uns seront couverts de honte, et les autres dans l’allégresse, à l’avènement du Seigneur notre Dieu, qui viendra, portant dans ses mains les récompenses de chacun ; aux impies, la damnation ; aux justes, le royaume ; aux pécheurs, la société avec le diable ; aux bons, la société avec Jésus-Christ. Quand le Seigneur se montrera de la sorte, et que les justes se lèveront avec une grande force ; je vous cite les saintes Écritures, souvenez-vous de ces paroles du livre de la Sagesse : « Les justes donc se lèveront avec une grande force coutre ceux qui les auront tourmentés ; et ceux-ci diront en eux-mêmes, se repentant et gémissant dans l’angoisse de leur esprit : « Que nous a servi l’orgueil, que nous a rapporté le vain étalage de nos richesses ? Toutes ces choses ont passé comme l’ombre »[2]. Et que diront-ils, à propos des justes ? « Comment leur place est-elle parmi les enfants de Dieu, et leur partage avec les saints ? » Alors se fera la dédicace de cet édifice que l’on construit aujourd’hui dans la tribulation ; et c’est alors que ce peuple de Dieu chantera dans sa joie : « Je vous exalterai, Seigneur, « parce que vous m’avez soutenu, et que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine ». Cette parole sera donc vraie dans le peuple de Dieu, qui est aujourd’hui dans l’oppression, qui gémit aujourd’hui sous le poids de tant d’épreuves, de tant de scandales, de tant de persécutions, de tant d’angoisses. Quiconque n’avance point dans la vertu, ne connaît point dans l’Église ces douleurs de l’âme, et s’imagine que tout est en paix : mais qu’il avance, et il se trouvera dans l’oppression. Ce ne fut que quand l’herbe eut poussé et produit son fruit, que l’ivraie parut aussi[3]. « Et quiconque multiplie la science multiplie aussi la douleur »[4]. Qu’il avance, et il verra où il en est : qu’il y ait du fruit, et l’ivraie se montrera. Le mot de saint Paul est bien vrai, et depuis le commencement jusqu’à la fin du monde, on ne l’effacera point : « Tous ceux » dit-il, « qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront persécution ; quant aux méchants et aux imposteurs, ils se fortifieront de plus en plus dans le mal, marchant dans l’erreur et y jetant les autres »[5]. N’est-ce point là, le sens de ces paroles du psaume : « Attends le Seigneur, agis avec « force, affermis ton âme, et attends le Seigneur ? »[6]. C’était peu d’avoir dit une fois : « Attends le Seigneur », il le répète, de peur qu’on ne vînt à se lasser après avoir attendu deux, trois, ou quatre jours sans que la persécution prît fin. Il ajoute alors : « Agis avec force » ; puis : « Affermis ton cœur ». Et comme il doit en être ainsi depuis le commencement jusqu’à la fin du monde, il répète à la fin le mot du commencement : « Attends le Seigneur ». Les maux qui t’affligent passeront, celui que tu attends viendra ; il essuiera tes sueurs, il séchera tes larmes, et tu n’auras plus à pleurer. Ici-bas, gémissons dans la tribulation, selon cette parole de Job : « La vie de l’homme, sur la terre, n’est-elle pas une épreuve »[7].
9. Toutefois, mes frères, en attendant ce jour où se fera la dédicace de l’édifice, considérons que déjà la dédicace en est faite dans celui qui est notre chef ; la dédicace de l’édifice est donc effectuée, déjà, et dans le faîte, et dans la pierre fondamentale. Mais le faîte, me direz-vous, est en haut ; la pierre fondamentale, est en bas ; et peut-être y a-t-il erreur à moi, de dire que le Christ est cette base ; il en est plutôt le faîte, puisqu’il est

  1. Job. 1,9-11
  2. Sag. 5,1.8-9
  3. Mt. 13,26
  4. Eccl. 1,18
  5. 2 Tim. 3,12-13
  6. Ps. 26,14
  7. Job. 7,1