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Comprenez donc par là, mes frères bien-aimés, combien est grande la folie des hommes qui veulent adorer les démons pour en obtenir les biens temporels. S’il faut les adorer pour en obtenir ces biens, leurs adorateurs seuls devraient posséder les grandes fortunes. Et quand même il en serait ainsi, il nous faudrait encore renoncer à de pareils dons, pour faire à Dieu l’unique prière. Mais il y a de plus que Dieu seul peut donner ces biens, et qu’adorer les démons, c’est l’offenser. Arrière donc notre père et notre mère ; arrière Satan, arrière la cité de Babylone ! Vive le Seigneur qui nous recueille pour nous consoler par les biens du temps, et nous rendre heureux par ceux de l’éternité ! « Mon père et ma mère m’ont abandonné, mais le Seigneur m’a recueilli ».
20. Nous voilà donc recueillis par le Seigneur, après avoir fui Babylone et le démon qui la gouverne ; car c’est le diable qui dirige les impies, qui est le prince du monde, le prince des ténèbres. De quelles ténèbres, direz-vous ? Des pécheurs, des impies. Aussi l’Apôtre dit-il à ceux qui ont embrassé la foi : « Vous étiez autrefois ténèbres, maintenant vous êtes lumière en Jésus-Christ »[1]. Maintenant que Dieu nous a recueillis, que devons-nous dire ? « Seigneur, établissez-moi la loi que je dois accomplir dans votre voie ». Tu oses bien demander une loi ? Et si le Seigneur te répondait : Cette loi, l’accompliras-tu ? l’observeras-tu si je te la donne ? Il n’oserait la demander, si d’abord il n’avait dit : Le Seigneur m’a recueilli. Il ne la demanderait point, s’il n’avait dit d’abord : Venez à mon aide. Si donc vous êtes mon soutien, si vous me recueillez, « donnez-moi, Seigneur, une loi que j’accomplisse dans votre voie ». Etablissez-moi une loi dans votre Christ. Car c’est la voie elle-même qui nous a parlé, et nous a dit : « lestais la voie, la vérité et la vie »[2]. La loi dans le Christ est une loi de miséricorde. Il est la sagesse dont il est écrit : « Elle a sur la langue « une loi de clémence »[3]. Si vous êtes coupable d’infraction à cette loi, faites-en l’aveu, et vous en obtiendrez le pardon de Celui qui répandu son sang pour vous. Seulement, ayez soin de ne point abandonner la voie, et dites-lui : « Soyez-mon protecteur, et dirigez-moi dans le sentier de la justice, à cause de mes ennemis »[4]. Donnez-moi une loi, mais ne me privez pas de votre miséricorde. Dans un autre psaume, le Prophète a dit : « Celui qui vous a dicté la loi, vous donnera aussi la miséricorde »[5]. Ces paroles donc : « Fixez-moi, Seigneur, une loi que j’accomplisse dans votre voie », regardent le précepte. Qu’est-ce qui nous désigne sa miséricorde ? « Dirigez-moi », dit le Prophète, « dans la voie du bien, à cause de mes ennemis ».
21. « Ne me livrez pas aux volontés de mes persécuteurs »[6] ; c’est-à-dire, ne permettez pas que j’acquiesce à leurs désirs. Car si tu es uni d’âme et de volonté à celui qui te persécute, ce n’est pas ta chair qu’il dévore en quelque sorte, mais bien mon âme par la perversité qu’il t’inspire. « Ne m’abandonnez pas aux volontés de mes persécuteurs ». Abandonnez-moi entre leurs mains, si vous le voulez. Telle était la prière que faisaient les martyrs, et il les a livrés aux mains des persécuteurs. Mais que leur en livrait-il ? La chair seulement. C’est encore ce qui est écrit dans le livre de Job : « La terre a été livrée aux mains de l’impie[7] ; c’est-à-dire, la chair est entre les mains des persécuteurs. « Gardez-vous de me livrer », non pas ma chair, mais moi. C’est moi l’âme qui vous parle, moi l’esprit qui vous parle. Je ne vous dis point : Gardez-vous de livrer ma chair aux mains de mes persécuteurs ; mais. « Gardez-vous de me livrer aux volontés de o mes persécuteurs ». Comment les hommes sont-ils abandonnés aux volontés de ceux qui les persécutent ? « Voilà que des témoins menteurs se sont levés contre moi ». D’abord, par cela même qu’ils sont des témoins menteurs, qu’ils entassent les accusations contre moi, et me déchirent par une foule de calomnies, si – vous m’abandonnez à leurs volontés, je mentirai à mon tour, je deviendrai leur complice, et sans avoir aucune part à votre vérité, je m’associerai à leurs mensonges contre vous. « Des témoins menteurs se sont élevés contre moi, et l’iniquité a menti contre elle-même »[8]. À elle-même, non pas à moi. Qu’elle soit victime de ses faussetés, et non pas moi. Si vous me livrez aux volontés de mes persécuteurs, c’est-à-dire, si je m’associe à leur dessein, l’iniquité n’aura point menti pour elle seule, mais encore pour moi ; qu’ils déchaînent au contraire toute leur

  1. Eph. 5,8
  2. Jn. 14,6
  3. Prov. 31,26
  4. Ps. 26,11
  5. Ps. 83,8
  6. Id. 26,12
  7. Job. 9,24
  8. Ps. 26,12