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Et pourquoi ? « C’est que, pour moi, j’ai marché dans mon innocence, et que mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé »[1]. Quel est cet « espoir dans le Seigneur ? » Celui-là chancelle parmi les méchants, qui n’a point mis son espoir en Dieu. De là sont venus les fauteurs des schismes. Ils ont tremblé en se voyant parmi les méchants, eux qui étaient pires, ils ont rougi d’être bons au milieu des impies. Ah ! s’ils eussent été le bon grain, ils eussent toléré la paille dans la grange, jusqu’au jour du vanneur. Mais comme ils n’étaient que la paille, voilà qu’un souffle s’est élevé, a prévenu le van du Seigneur, et enlevé de la grange cette paille qu’il a jetée parmi les épines. Une paille a été enlevée, mais ce qui est resté, n’est-il que froment ? Il n’y a que la paille qui s’envole avant la séparation, et néanmoins il reste de la paille et du froment ; et au temps de la séparation cette paille sera vannée. Voilà ce que dit le Prophète : « J’ai marché dans mon innocence, et mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé ». Si je n’avais espéré que dans un homme, je verrais peut-être cet homme tomber dans le désordre et ne point suivre ces voies de la justice qu’il apprendra à connaître ou même qu’il enseigne dans l’Église, mais s’égarer dans celles que Satan lui a montrées. Si donc mon espérance était dans un homme, elle chancellerait et tomberait avec cet homme chancelant et tombant ; mais comme elle est dans le Seigneur, elle est inébranlable.
7. « Éprouvez-moi, Seigneur, et sondez mon âme, dit ensuite, le Prophète, faites passer au feu mes reins et mon cœur »[2]. Qu’est-ce à dire : « Passez au feu mes reins et mon cœur ? » – Passez au feu mes convoitises et mes pensées. Les reins se disent ici des convoitises, et le cœur des pensées, afin que mes pensées ne s’arrêtent pas au mal, et que le mal m’excite pas mes désirs. À quel feu passer mes reins ? au feu de votre parole. À quel feu passer mon cœur ? au feu de votre esprit. C’est de ce feu qu’il est dit ailleurs : « Que nul ne peut se dérober à son action »[3], et dont le Seigneur a dit à son tour : « Je suis venu apporter le feu sur la terre »[4].
8. Le Prophète continue : « C’est que votre miséricorde est devant mes yeux, et que votre vérité m’a plu »[5]. C’est-à-dire, je n’ai point cherché à plaire aux hommes, mais j’ai voulu vous plaire dans cet intérieur où pénètrent vos yeux, peu soucieux de déplaire aux hommes qui voient le dehors, comme l’a dit l’Apôtre : « Que chacun éprouve ses actions, et alors il pourra se glorifier dans lui-même, et non dans un autre »[6].
9. « Je ne me suis point assis dans les assemblées de vanité »[7]. Quel est le sens de cette expression : « Je ne me suis point assis ? » Écoutez, mes frères. En disant : « Je ne me suis point assis », il en appelle à Dieu qui voit tout. Vous pouvez être absent d’une réunion, et pourtant y siéger. Par exemple, vous n’êtes pas au théâtre, mais des pensées théâtrales absorbent votre esprit, contrairement à cette parole : « Passez au feu mes reins », alors vous êtes assis au théâtre, nonobstant votre absence corporelle. Mais il peut arriver qu’un ami vous y fasse entrer et vous y retienne, ou qu’un office de charité vous force à vous y asseoir. Comment cela est-il possible ? Il peut arriver qu’un chrétien ait une bonne œuvre à faire qui le force de s’asseoir dans l’amphithéâtre : il voulait délivrer je ne sais quel gladiateur ; alors il a bien pu s’asseoir, et attendre que parût celui qu’il voulait délivrer. Cet homme, nonobstant sa présence corporelle, ne s’est pas assis dans les assemblées de la vanité. Qu’est-ce que s’y asseoir ? C’est être de cœur avec les assistants. Si votre cœur n’y est pas, nonobstant votre présence vous n’y êtes point assis ; si votre cœur y est, vous êtes assis malgré votre absence. « Je ne m’unirai point aux artisans de l’iniquité ; car j’ai en horreur l’assemblée des méchants »[8]. Vous voyez donc que « s’asseoir avec les impies », se dit de l’intérieur.
10. « Je laverai mes mains parmi les justes »[9]. Non point avec une eau visible. C’est laver tes mains, que d’avoir pour tes œuvres des pensées pures et innocentes aux yeux de Dieu. Il est aussi sous l’œil de Dieu, cet autel dont s’est approché le prêtre qui s’est offert le premier pour nous. L’autel est donc sacré, et nul ne peut l’embrasser, s’il n’a lavé ses mains avec les âmes justes. Beaucoup, il est vrai, s’en approchent indignement, et Dieu souffre pour un temps que ses sacrements soient profanés. Toutefois, mes frères, en serait-il de la Jérusalem céleste, comme des murailles qui nous environnent ? Point du tout, et si vous

  1. Ps. 25,1
  2. Id. 2
  3. Id. 18,7
  4. Lc. 12,49
  5. Ps. 25,3
  6. Gal. 6,4
  7. Ps. 25,4
  8. Id. 5
  9. Id. 6