Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

et entre tel ou tel voisin, on cherche l’héritier à qui il est échu ou qui en est l’acheteur. Auprès de quels voisins s’informer ? Auprès de ceux qui possèdent les propriétés environnantes. Mais celui qui n’a aucune borne à son héritage n’a aucun voisin, Or, de quelque part que vous vous tourniez, c’est le Christ qui est possesseur. Tu as en héritage les confins de la terre, viens, possède avec moi la terre entière. Pourquoi m’intenter un procès pour m’appeler en partage ? Viens ici, c’est un avantage de perdre ton procès puisque tu auras le tout. Quel sujet pour toi de disputer ? J’ai lu le testament, et tu disputes encore ? Viendras-tu nous objecter qu’il a dit : « Les confins de la terre, et non, tous les confins ? Lisons donc alors. Qu’avons-nous lu ? « Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui. Toutes les nations de la terre se prosterneront en sa présence. L’empire est au Seigneur, et il dominera les nations ». C’est donc à lui et non à vous qu’appartient la domination. Reconnaissez donc et le Seigneur votre maître, l’héritage du Seigneur.
31. Mais vous aussi, qui voulez avoir une possession à part, et non plus avec nous dans l’unité du Christ, car vous voulez dominer sur la terre et non régner avec lui dans le ciel, vous possédez vos demeures. Nous sommes allés quelquefois les trouver, mes frères, et pour leur dire : Cherchons la vérité, trouvons la vérité. Et eux de nous répondre : Gardez ce que vous avez ; tu as tes brebis, j’ai les miennes ; laissez mes brebis en paix comme j’y laisse les vôtres. Grâces à Dieu, j’ai mes brebis, et il a ses brebis, qu’a donc racheté le Christ ? Ah ! qu’elles ne soient ni à toi ni à moi, ces brebis, mais bien à celui qui les a rachetées, à celui qui les a marquées de son caractère ! « Ni celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement[1] ». Pourquoi donc avoir tes brebis et moi mes brebis ? Si le Christ est avec toi, que mes brebis y aillent aussi, car elles ne sont pas à moi ; et si le Christ est avec nous, que tes brebis y viennent aussi, puisqu’elles ne sont pas à toi. Qu’elles entrent dans leur héritage en nous baisant le front et les mains, et que les enfants étrangers disparaissent. Elles ne m’appartiennent pas, dit-il. Qu’est-ce à dire ? Voyons si elles ne vous appartiennent pas, voyons si vous n’en avez pas revendiqué la possession. Je travaille au nom du Christ, toi au nom de Donat ; car si c’est pour le Christ, le Christ est partout. Tu dis « Le Christ est ici[2] », et moi je dis qu’il est partout. « Enfants, louez le Seigneur, bénissez le nom du Seigneur ».D’où viendra cette louange ? Et jusqu’où ira-t-elle ? « De l’Orient jusqu’au couchant, bénissez le nom du Seigneur[3] ». C’est là l’Église que je vous montre, c’est là ce qu’a acheté le Christ et ce qu’il a racheté, c’est pour cela qu’il a donné son sang. Mais toi, que dis-tu ? C’est aussi pour lui que je recueille. « Celui qui ne ramasse « point avec moi, te répond-il, celui-là disperse[4] ». Or, tu divises l’unité, tu veux un domaine à part. Pourquoi donc avoir le nom du Christ ? C’est parce que tu as prétendu que le nom fût comme un titre qui garantît ta possession. N’est-ce point là ce que font plusieurs à l’égard de leur maison ? Pour la garantir contre l’avidité d’un larron puissant, le maître y place le titre d’un autre homme puissant, titre mensonger. Il veut être possesseur de sa maison, et pour se l’assurer, il met au frontispice un titre d’emprunt, afin qu’en lisant ce nom d’un homme puissant dans le monde, un ravisseur soit saisi de frayeur et s’abstienne de toute violence. C’est ce que firent nos hérétiques lorsqu’ils condamnèrent les Maximianistes. Ils allèrent trouver les juges, et pour montrer des titres qui les fissent regarder comme évêques, ils récitèrent les canons de leur concile. Alors le juge demanda : Est-il ici quelque autre évêque du parti de Donat ? L’assemblée répondit : Nous ne reconnaissons qu’Aurèle qui est catholique. Dans la crainte des lois, ils n’ont parlé que d’un seul évêque. Mais pour se faire écouter du juge, ils empruntaient le nom du Christ et couvraient de ses titres leur possession. Que le Seigneur le leur pardonne dans sa bonté, et qu’il revendique son héritage partout où il retrouve ses titres ; sa miséricorde est assez grande pour leur faire cette grâce, et pour ramener dans son Église tous ceux qu’il rencontrera sous le nom du Christ. Voyez, mes frères, quand un prince trouve ses titres sur quelque domaine, n’a-t-il pas le soin de le revendiquer en disant : S’il n’était mon domaine, il ne porterait pas mes

  1. 1 Cor. 3,7
  2. Mt. 24,23
  3. Ps. 112,1
  4. Mt. 12,30