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esprits ont pu la comprendre. C’est de là que le voile du temple a été déchiré[1] et, ce qui était voilé, mis à découvert.
16. « Ma force a été durcie comme l’argile[2] ». Admirable expression pour dire mon nom s’est affermi par mes douleurs. De même que l’argile est molle avant de passer par le feu, et solide quand elle en sort ; de même le nom du Seigneur, méprisé avant la passion, en est sorti glorieux. « Ma langue s’est attachée à mon palais ». Comme ce membre n’est utile que pour-parler, le Sauveur appelle sa langue, les prédicateurs, et ils se sont attachés à son palais pour puiser la sagesse dans ses secrètes profondeurs. « Et vous m’avez réduit à la poussière de la mort ».
17. « Voilà qu’une meute de chiens m’environne, que le conseil des méchants m’assiège[3] ». Voyez encore l’Évangile. « Ils ont percé mes mains et mes pieds ». Alors s’ouvrirent ces plaies, dont un disciple incrédule toucha les cicatrices. Il avait dit : « Si je ne mets mon doigt dans la blessure des clous, je ne croirai point ». Jésus lui dit alors : « Venez, mettez votre doigt, ô incrédule ». Et il y mit sa main, et il s’écria « Mon Seigneur, et mon Dieu ». Et Jésus : Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui croient sans voir[4]. « Ils ont percé mes mains et mes pieds ».
18. « Ils ont compté tous mes os[5] », quand il était étendu sur la croix. On ne peut mieux exprimer l’extension du corps sur la croix, qu’en disant : « ils ont compté tous mes os ».
19. « Ils m’ont regardé, ils m’ont considéré attentivement[6] ». Ils ont considéré, mais sans comprendre ; ils ont regardé, mais sans voir. Leurs yeux voyaient la chair, mais leur cœur ne s’élevait pas jusqu’au Verbe. « Ils se sont partagé mes vêtements ». Ses vêtements sont les sacrements. Remarquez, mes frères, que ses vêtements ou ses sacrements ont bien pu être divisés par l’hérésie ; mais il y avait là une robe, que nul ne peut diviser. « ils ont tiré ma robe au sort ». « Il y avait là », dit l’Évangéliste, « sa tunique tissue d’en haut[7] ». Donc, tissue dans le ciel, tissue par le Père, tissue par l’Esprit-Saint. Quelle est cette robe, sinon la charité que l’on ne peut partager ? Quelle est cette robe, sinon l’unité ? On la tire au sort, parce que l’on ne peut la diviser. Les hérétiques ont bien pu diviser les sacrements, mais non diviser la charité. Impuissants à la partager, ils se sont retirés, mais elle demeure dans son intégrité. Le sort l’a donnée à quelques-uns ; celui qui la possède, est en sûreté ; car nul ne peut le jeter hors de l’Église catholique ; et si l’homme du dehors commence à l’avoir, on l’y introduit, comme le rameau d’olivier porté par la colombe[8].
20. « Pour tous, ô mon Dieu, n’éloignez pas de moi votre secours[9] ». Ainsi en fut-il, et Dieu le ressuscita le troisième jour. « Pourvoyez à ma défense ».
21. « Arrachez mon âme à la framée[10] » ; c’est-à-dire à la mort. Une framée est un glaive, et par le glaive il a voulu entendre la mort. « Et mon unique à la main des chiens ». Cette âme, et cette unique, c’est son âme et son corps ; c’est son Église qu’il appelle unique. « A la main », c’est-à-dire au pouvoir des chiens. Qui sont les chiens ? Ceux qui aboient commue des chiens, sans savoir à qui ils s’en prennent. On ne leur fait rien, et néanmoins ils aboient. Que fait au chien un passant ? le chien l’aboie pourtant. Aboyer aveuglément, sans savoir ni contre qui, ni pour qui, c’est là être chien.
22. « Sauvez-moi de la gueule du lion[11] ». Vous connaissez ce lion rugissant qui rôde autour de nous, cherchant quelqu’un à dévorer[12]. « Epargnez à mon humilité la corne du rhinocéros ». Il n’appelle rhinocéros que les orgueilleux ; aussi a-t-il ajouté : « Mon humilité ».
23. Vous avez entendu les douleurs que le Christ a endurées, et les prières qu’il a faites pour en être délivré : considérons, maintenant, pourquoi il a souffert. Mais voyez d’abord, mes frères, à quoi bon porter le nom de chrétien, quand on n’est point dans cet héritage pour lequel le Christ a souffert ? Nous avons entendu ce qu’il a enduré ; qu’on comptât ses os, qu’on le tournât en dérision, qu’on partageât ses vêtements, qu’on tirât sa robe au sort, qu’on dispersât ses ossements ; c’est ce que nous apprend le psaume, et ce que nous lisons dans l’Évangile. Voyons pourquoi. O Christ, Fils de Dieu, vous ne souffririez point, si vous ne le vouliez pas, montrez-nous donc le fruit de votre

  1. Mt. 27,51
  2. Ps. 21,16
  3. Id. 17
  4. Jn. 20,25-28
  5. Ps. 21,18
  6. Id. 19
  7. Jn. 19,27
  8. Gen. 8,11
  9. Ps. 21,20
  10. Id. 21
  11. Id. 22
  12. 1 Pi. 5,8