Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VIII.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

en ce même Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur que Dieu a mis ces trésors, cette plénitude de la grâce dont l’Apôtre saint Jean nous a dit : « Nous avons vu sa gloire, comme la gloire que reçoit de son Père le Fils unique, plein de grâce et de vérité[1]. C’est cette gloire que racontent les cieux ». Car les cieux, ce sont les saints, élevés au-dessus de la terre, et qui portent le Seigneur ; et toutefois le ciel a raconté la gloire du Christ, à sa manière. Quand l’a-t-il racontée ? Quand, à la naissance de ce même Sauveur, il fit paraître une étoile nouvelle, et jusqu’alors inconnue. Il est néanmoins d’autres cieux plus véritables et plus sublimes, dont il est dit dans un verset suivant : « Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel on n’entende leurs voix. Ce bruit s’est fait entendre par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde[2] ». De qui ces paroles, sinon des cieux ? et de quels cieux, sinon des Apôtres ? Ce sont eux qui redisent à la louange de Dieu, cette grâce que Dieu a mise en Jésus-Christ pour la rémission des péchés. « Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu ; ils sont justifiés gratuitement par le sang de Jésus-Christ[3] ». Comme c’est gratuitement, c’est donc une grâce, car il n’y a point de grâce qui ne soit gratuite. Nous n’avions fait aucune bonne œuvre qui nous méritât ces dons de Dieu, et même ce n’eût pas été gratuitement qu’il nous eût infligé un supplice ; de là vient que ses bienfaits pour nous sont gratuits. Dans notre vie passée, nous n’avions mérité rien autre chose qu’un juste châtiment. Dieu donc, non plus à cause de notre justice, mais par un effet de sa miséricorde, nous a sauvés par le bain de la régénération[4]. C’est là, dis-je, la gloire de Dieu que racontent les cieux ; car tu n’as rien fait de bon, et néanmoins tu as reçu ces biens immenses. Si donc tu as une part à cette grâce que les cieux ont chantée, tu dois dire au Seigneur ton Dieu : « Il est mon Dieu, puisqu’il me prévient par sa miséricorde[5] ». C’est lui en effet qui t’a prévenu, et tellement prévenu, qu’il n’a rien trouvé de bon en toi. Tu avais prévenu ses châtiments par ton orgueil, et il a prévenu ton supplice en effaçant tes péchés. En toi donc, le pécheur est devenu juste, l’impie est sanctifié, le damné recouvre ses droits au ciel ; aussi dois-tu dire à Dieu : « Ce n’est point à nous, Seigneur, non ce n’est point à nous, mais à votre nom, qu’il faut en attribuer la gloire[6] ». Disons bien « Non pas à nous », à qui la donnerait-il, s’il nous considérait ? Encore une fois, disons : « Non pas à nous, Seigneur ». S’il nous traitait selon nos mérites, il ne trouverait pour nous que des peines. « Que son nom donc soit glorifié, et non point nous, parce qu’il ne nous a point traités selon nos fautes[7]. » Ne nous la donnez donc point, Seigneur, ne nous la donnez point. Cette répétition fortifie la pensée. « Ce n’est point à nous, Seigneur, mais à votre nom, qu’il faut donner la gloire ». C’est ce que comprenaient ces cieux qui ont chanté la gloire de Dieu.
3. « Et le firmament publie l’ouvrage de ses mains[8] ». Cette expression : « La gloire de Dieu », est répétée dans cette autre : « L’ouvrage de ses mains ». Quels sont les ouvrages de ses mains ? N’allons pas croire avec plusieurs, que Dieu a tout fait de sa parole, mais que l’homme, créature supérieure aux autres, est l’ouvrage de ses mains. Loin de nous cette pensée qui est basse et peu exacte, car Dieu a tout fait par son Verbe. Bien que l’Écriture nous expose les œuvres si diverses du Créateur, et nous dise qu’il fit l’homme à son image ; tout néanmoins a été fait par son Verbe, et sans lui rien n’a été fait[9]. Quant aux mains de Dieu, il est dit encore : « Les cieux sont l’œuvre de ses mains[10] », et pour que vous ne confondiez pas ces cieux avec les saints, le Prophète ajoute : « Pour eux, ils périront, mais vous, Seigneur, vous demeurez[11] ». Donc, non seulement les hommes, mais aussi les cieux qui doivent périr, sont l’ouvrage des mains de Dieu, à qui il est dit : « Les cieux sont l’œuvre de vos mains ». C’est encore ce qui est dit de la terre : « La mer est à lui puisqu’elle est son ouvrage, et ses mains ont fait une base à la terre[12] ». Donc s’il a fait le ciel de ses mains, la terre de ses mains, l’homme n’est pas seul l’œuvre de ses mains ; mais s’il a fait le ciel par son Verbe, la terre par son Verbe, il a fait aussi l’homme par son Verbe. L’œuvre du Verbe est l’œuvre de sa main, comme l’œuvre de sa main est celle de son Verbe. Dieu n’a point comme nous des membres qui

  1. Jn. 1,14
  2. Ps. 18,4
  3. Rom. 3,23
  4. Tit. 3,5
  5. Tit. 3,5
  6. Ps. 113,9
  7. Id. 102,10
  8. Ps. 18,2
  9. Jn. 1,3
  10. Ps. 101,16
  11. Id. 27
  12. Id. 94,5