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DISCOURS SUR LE PSAUME 10

L’HÉRÉSIE EN FACE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE.

L’âme catholique et fidèle répond aux invitations de l’hérésie, que sa confiance est dans le Seigneur et non dans les hommes, tandis que l’hérésie se confie dans les mérites du ministre des sacrements. Le Seigneur, par une même parole, aveugle les méchants et sauve les justes.

POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID (Ps. 10,1).


1. Ce titre n’a pas besoin d’être expliqué de nouveau, nous avons exposé suffisamment le sens de cette expression : «  In finem, pour la fin ». Voyons donc le texte du psaume, qui me parait un chant contre les hérétiques. Ceux-ci, en effet, rappelant sans cesse avec exagération les fautes de plusieurs membres de l’Église, comme si, dans leurs sectes, tous les membres, ou du moins le plus grand nombre, étaient des justes, s’efforcent de nous détourner et de nous arracher des mamelles de l’Église, unique et véritable mère. Ils affirment que le Christ est parmi eux ; ils affectent de nous avertir, par intérêt pour nous et par charité, de passer dans leur parti pour y trouver Jésus-Christ, qu’ils se vantent faussement de posséder. On sait que dans ces dénominations allégoriques données par les Prophètes à Jésus-Christ, se trouve aussi celle de Montagne. Il faut donc répondre à l’hérésie en lui disant : « Ma confiance est dans le Seigneur ; comment dites-vous à mon âme : Va sur la montagne, comme un passereau[1] ? » Il n’est qu’une seule montagne en qui j’aie mis mon espoir ; pourquoi me dire d’aller à vous, comme s’il y avait plusieurs Christs ? Et si, dans votre orgueil, vous prétendez être cette montagne, j’avoue que je dois être ce passereau, et que mes ailes sont les forces et les préceptes de Dieu ; mais ces ailes m’empêchent de voler vers de semblables montagnes, et de reposer mon espoir en des hommes orgueilleux. J’ai un nid où je puis reposer, puisque ma confiance est dans le Seigneur. Car le passereau trouve une demeure[2], et le Seigneur est un refuge pour le pauvre[3]. Ainsi, de peur qu’en cherchant le Christ chez les hérétiques, nous ne le perdions réellement, chantons avec la plus entière confiance : « Ma confiance est dans le Seigneur ; comment dites-vous à mon âme : Va sur la montagne comme le passereau ? »
2. « Voilà que les pécheurs ont bandé l’arc, ils ont rempli de flèches leur carquois, afin de tirer, dans l’obscurité de la lune, sur ceux qui ont le cœur droit[4] ». Vaines terreurs de ceux qui nous menacent de la colère des pécheurs, pour nous pousser dans leur parti, comme dans celui des justes. « Voilà », disent-ils, « que les pécheurs ont bandé l’arc ». Cet arc me paraît être l’Écriture, qu’ils interprètent dans un sens charnel, et qui ne leur fournit alors que des maximes empoisonnées. « Ils ont préparé leurs flèches dans leur carquois » ; c’est-à-dire, qu’ils ont préparé dans leurs cœurs, ces paroles qu’ils doivent nous lancer avec l’autorité des saintes Écritures. « Afin de tirer sur l’innocent dans l’obscurité de la lune » ; c’est-à-dire, qu’ils ont cru que la foule des hommes ignorants et charnels avait obscurci la lumière de l’Église, et qu’eux-mêmes ne pourraient être convaincus ; ainsi ils corrompent les bonnes mœurs par des discours pervers[5]. Mais à toutes ces terreurs nous répondrons : « Ma confiance est dans le Seigneur[6] ».
3. J’ai promis ( Ci-dessus, Ps. 8, n. 9), il m’en souvient, de considérer dans ce psaume comment la lune est une figure convenable de l’Église. Il y a deux opinions probables au sujet de la lune : savoir quelle est la véritable, c’est là ce qui est, selon moi, sinon impossible, du moins très difficile aux hommes. Si vous demandez d’où vient à la lune sa lumière, les uns répondent qu’elle a une lumière qui lui est propre, mais que son globe est moitié lumineux et moitié

  1. Id. 2
  2. Ps. 83,4
  3. Ps. 9,10
  4. Ps. 10,3
  5. Ps. 10,3
  6. 1 Cor. 15,33