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néanmoins la vérité dont il garantit la prompte intelligence, puisqu’il ruine la foi qui en est la base. On peut le convaincre encore de ne posséder point la vérité, puisqu’en ruinant la foi qui est l’échelle pour y arriver, il prouve qu’il en ignore le chemin. Si donc on veut détruire ce téméraire, cet aveugle prometteur de la vérité, qui en est à la fois l’ennemi et le défenseur, il faut regarder les cieux, l’ouvrage des doigts de Dieu, c’est-à-dire comprendre les saintes Écritures qui s’abaissent jusqu’à cette lenteur des enfants qu’elles nourrissent d’abord par l’humble croyance des faits historiques accomplis pour notre salut, qu’elles fortifient ensuite jusqu’à les élever à la sublime intelligence des vérités éternelles. Ces cieux donc, ou les livres saints, sont l’ouvrage des doigts de Dieu, puisqu’ils sont écrits par le Saint-Esprit qui animait les saints et agissait en eux. Pour ceux qui ont cherché leur gloire plutôt que le salut des hommes, ils ont parlé sans l’Esprit-Saint, en qui sont les entrailles de la divine miséricorde.
9. « Je verrai donc les cieux, l’ouvrage de vos doigts, la lune et les étoiles que vous avez établies[1]. C’est dans le ciel que sont établies la lune et les étoiles ; parce que l’Église universelle, souvent désignée par la lune, et les églises particulières, que désignerait, selon moi, la dénomination d’étoiles, sont basées sur les saintes Écritures, que nous avons reconnues dans la dénomination des cieux. Dans un autre psaume, nous verrons plus à propos comment le nom de lune convient à l’Église, en expliquant cette parole : « Les pécheurs ont bandé leur arc pour percer, dans l’obscurité de la lune, les hommes au cœur droit[2] ».
10. « Qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l’homme pour que vous le visitiez[3] ? » On peut se demander quelle est la différence entre l’homme et le fils de l’homme ; car s’il n’y en avait aucune, le Prophète n’aurait pas dit avec la disjonctive : « L’homme ou le fils de l’homme ». Si le Prophète avait dit : « Qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui, et le fils de l’homme pour que vous le visitiez ? il semblerait faire une répétition du mot homme ». Mais en disant : « L’homme, ou le fils de l’homme », il montre qu’il met entre ces deux expressions une différence. Retenons bien d’abord que tout fils de l’homme est un homme, bien que tout homme ne soit point fils de l’homme ; car Adam est un homme sans être fils de l’homme, Il est donc bien de remarquer ici quelle est la différence entre l’homme et le fils de l’homme : et alors ceux qui portent l’image de l’homme terrestre qui n’est point fils de l’homme, sont désignés par le nom d’hommes, tandis que l’on appellerait fils de l’homme, ceux qui portent l’image de l’homme céleste[4]. L’homme terrestre, c’est le vieil homme, tandis qu’on appelle homme nouveau[5] l’homme céleste. Mais l’homme nouveau provient du vieil homme, puisque la régénération spirituelle ne s’opère que par le changement de notre vie terrestre et mondaine ; et c’est ce qui le fait appeler fils de l’homme. Ici donc l’homme est terrestre, le fils de l’homme est céleste ; le premier est loin de Dieu, tandis que l’autre est devant lui ; alors il se souvient de l’un qui est à une longue distance, et il visite l’autre en l’éclairant à la lumière de sa face. Car « le salut est loin des pécheurs[6], et sur nous, ô Dieu, est empreinte la lumière de votre face[7] ». Ainsi encore, dans un autre psaume, le Prophète associe les hommes aux animaux, dit que Dieu les sauve avec les bêtes de somme, non sans doute en leur communiquant sa lumière intérieure, mais par une extension de sa miséricorde qui descend avec bonté jusqu’aux dernières créatures : car Dieu sauve les hommes charnels comme il sauve les animaux ; mais il sépare les fils des hommes, de ces hommes qu’il associait aux animaux ; il les proclame, bienheureux d’une manière plus relevée, et par l’effet de la vérité qui les éclaire, et de la source de vie qui se répand en eux. « Seigneur », dit-il, « vous sauverez les hommes et les animaux, selon que vous multipliez votre bienveillance, ô Dieu. Mais les enfants des hommes espéreront à l’ombre de vos ailes, ils seront enivrés de l’abondance des biens de votre maison, vous les abreuverez au torrent de vos délices. Car c’est en vous qu’est la source de la vie, et dans votre lumière nous verrons la lumière. Étendez votre miséricorde à ceux qui vous connaissent[8] ». Ainsi, le Seigneur dans sa bonté se souvient

  1. Ps. 8,4
  2. Id. 10,3
  3. Id. 8,5
  4. 1 Cor. 15,49
  5. Eph. 4,22
  6. Ps. 118,155
  7. Id. 4,7
  8. Id. 35,7-11