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saints, non plus comme l’enfant qui a besoin de lait, mais comme le jeune homme qui prend une nourriture solide, et peut comprendre la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, connaître même l’amour de Jésus-Christ pour nous, qui surpasse toute connaissance[1].
6. « C’est de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle, que vous avez tiré une louange parfaite, à cause de vos ennemis ». Par ennemis de ce qu’a fait Jésus, et Jésus crucifié, nous devons entendre en général, tous ceux qui défendent de croire à l’inconnu, et qui nous promettent une connaissance claire. Telle est la conduite des hérétiques et de ceux que leurs superstitions idolâtres ont fait appeler philosophes : non qu’il soit mauvais de promettre la science, mais ils veulent écarter la foi qui est l’échelle salutaire et indispensable pour nous élever à une certitude dont l’objet ne peut être que les choses éternelles. Cette négligence d’un moyen si utile et si nécessaire nous prouve à elle seule, qu’ils n’ont point cette science promise au mépris de la foi. « C’est donc de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle, Seigneur, que vous avez tiré une louange parfaite », en nous disant par votre Prophète : « Si vous ne croyez, vous ne comprendrez point[2][3] », et en nous disant vous-même : « Bienheureux ceux qui n’ont point vu et qui l’ont cru[4]. À cause de vos ennemis », de ces mêmes hommes à l’occasion desquels vous avez dit : « Je vous rends grâces, Dieu du ciel et de la terre, qui avez dérobé ces mystères aux sages, pour les révéler aux petits[5] ». Le Seigneur les appelle sages, non qu’ils le soient en effet, mais parce qu’ils croient l’être. « Afin de détruire l’ennemi et le défenseur[6] ». Quel ennemi, sinon l’hérétique, à la fois ennemi et défenseur de la foi chrétienne, qu’il attaque, et que néanmoins il paraît défendre ? On pourrait encore appeler ennemis et défenseurs, les philosophes du siècle : carie Fils de Dieu est la force et la sagesse de Dieu, qui éclaire tous ceux que la vérité a rendus sages. Or, ces philosophes, ainsi nommés parce qu’ils font profession d’aimer la sagesse, paraissent la défendre, bien qu’ils en soient les ennemis, puisqu’ils ne cessent de prêcher des superstitions dangereuses, et de porter les hommes au culte des éléments de ce monde.
7. « Pour moi, je considère vos cieux, l’ouvrage de vos doigts[7] ». Nous lisons que Dieu écrivit la loi de son doigt, pour la donner à Moïse, son saint et fidèle serviteur[8], et dans ce doigt de Dieu beaucoup d’interprètes voient l’Esprit-Saint. Si donc par les doigts de Dieu, nous pouvons entendre aussi les ministres remplis de l’Esprit-Saint, parce que c’est lui qui agit en eux : comme ce sont eux qui nous ont préparé toutes les divines Écritures, il nous est permis aussi d’entendre par les cieux les livres de l’un et de l’autre Testament. Il est dit aussi de Moïse, que les mages de Pharaon, voyant qu’il les surpassait, s’écrièrent : « Celui-ci est le doigt de Dieu[9] ». Quoique cette expression d’Isaïe : « Le ciel sera replié comme un livre[10] », s’applique au ciel éthéré, on peut très bien l’entendre encore dans le sens allégorique des livres de l’Écriture. « Pour moi donc, je considère les cieux qui sont l’ouvrage de vos mains », c’est-à-dire, je lirai, je comprendrai ces Écritures, que vous avez écrites par vos ministres, que dirigeaient l’Esprit-Saint.
8. On peut donc aussi voir les livres saints, dans ces cieux dont il disait auparavant : « Votre magnificence est élevée au-dessus des cieux », ce qui signifiait : Parce que votre magnificence est plus élevée que les cieux, et qu’elle surpasse toutes les paroles des Écritures ; voilà que vous avez tiré de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle, la louange la plus parfaite, en contraignant à commencer par croire aux saintes Écritures, ceux qui désirent arriver à la connaissance de votre grandeur ; et cette grandeur est bien au-dessus des Écritures, puisqu’elle surpasse tous les efforts et toutes les expressions du langage. Dieu donc a voulu abaisser les Écritures jusqu’au niveau des enfants nouveau-nés et à la mamelle, comme l’a dit un autre psaume : « Il a abaissé les cieux et il est descendu[11] » : et il l’a fait à cause de ses ennemis, qui détestent la croix de Jésus-Christ, et dont les discours orgueilleux ne peuvent même, en disant la vérité, devenir utiles aux enfants nouveau-nés et à la mamelle. C’est ainsi qu’est détruit l’ennemi et le défenseur, qui veut défendre tantôt la sagesse, tantôt le nom du Christ, et qui attaque

  1. Eph. 3,18-19
  2. Isa. 7,9
  3. selon les LXX
  4. Jn. 20,29
  5. Mt. 11,25
  6. Ps. 8,3
  7. Ps. 8,4
  8. Exod. 31,18
  9. Id. 8,19
  10. Isa. 34,4
  11. Ps. 17,19