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lumière soit faite, et la lumière fut[1] » ; mais il ne dit pas : Que les ténèbres soient, et les ténèbres furent faites ; et toutefois il les a réglées, puisqu’il est dit « qu’il sépara la lumière des ténèbres, qu’il donna le nom de jour à la lumière, et celui de nuit aux ténèbres[2] ». Il y a donc cette différence qu’il fit l’un et le régla ; et qu’il ne fit pas l’autre, bien qu’il la réglât néanmoins. Que les ténèbres figurent le péché, c’est ce que nous apprend ce mot d’un Prophète : « Et vos ténèbres seront pour vous le soleil[3] » ; et cette parole de saint Jean : « Celui-là est dans les ténèbres qui a de la haine contre son frère[4]. » ; et surtout celle-ci de saint Paul : « Dépouillons-nous des œuvres ténébreuses, pour revêtir les armes de la lumière[5] ». Ce n’est pas qu’il y ait une nature ténébreuse ; car toute nature existe nécessairement comme nature. Mais exister, c’est le propre de la lumière, tandis que ne pas exister, est le propre des ténèbres. Donc, abandonner celui qui nous a créés pour nous incliner vers ce néant d’où nous avons été tirés, c’est nous couvrir des ténèbres du péché ; ce n’est point périr tout à fait, mais descendre au dernier rang. Aussi, quand le Prophète a dit : « Je confesserai devant le Seigneur » a-t-il soin d’ajouter, pour ne point nous laisser croire à un aveu de ses fautes : « Et je chanterai le nom du Seigneur Très-Haut[6] ». Or, chanter est le propre de la joie, tandis que le repentir de nos fautes accuse la douleur.
20. On pourrait appliquer ce psaume à la personne de l’Homme-Dieu, en rapportant à notre nature infirme, qu’il avait daigné revêtir, tout ce qui est dit à notre confusion.


DISCOURS SUR LE PSAUME 8

LE PRESSOIR DE L’ÉGLISE

La grappe de raisin contient le vin et le marc : le marc formé des enveloppes a été nécessaire pour amener le vin à maturité ; le pressoir le sépare de cette enveloppe protectrice. Telle est l’œuvre de l’Église qui nourrit les petits du lait de la doctrine jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes et prennent la solide nourriture des parfaits.

POUR LA FIN, PSAUME DE DAVID, SUR LES PRESSOIRS.


1. La teneur du psaume ne nous laisse rien voir à propos de ces pressoirs qui lui servent de titre, ce qui nous montrerait que souvent l’Écriture nous désigne le même objet sous des figures multiples et variées. Nous pouvons donc, sous la dénomination de pressoirs, entendre l’Église, par la même raison qui nous l’a fait voir sous la figure d’une aire ; car l’aire ou le pressoir, n’ont d’autre objet que d’ôter au blé ou au raisin ces enveloppes dont ils avaient besoin pour naître, pour croître et pour arriver à la maturité de la moisson ou de la vendange. Ces enveloppes ou ces soutiens sont, pour le blé, la paille dont il est dépouillé dans l’aire, et pour le vin, les grappes dont on l’extrait au pressoir. Il en est de même dans l’Église. Les bons y sont mêlés à la foule des hommes terrestres, mélange qui leur est nécessaire, et sans lequel ils ne pourraient naître, ni devenir aptes à la parole de Dieu ; et les ministres de l’Église travaillent à les séparer de cette foule au moyen d’un amour spirituel. Ainsi en agissent aujourd’hui les bons qui mettent l’intervalle, non des lieux, mais de l’amour, entre eux et les méchants, bien que, selon le corps, ils soient présents avec eux dans les mêmes églises. Un autre temps viendra où le froment sera séparé pour les greniers et le vin pour les celliers du Père céleste, selon le mot de l’Évangile : « Il amassera le froment pour ses greniers, et jettera

  1. Gen. 1,3
  2. Id. 4,5
  3. Isa. 58,10
  4. Jn. 2,11
  5. Rom. 13,12
  6. Ps. 7,18