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qui lui rendent le mal, il cherche à vaincre sa colère, et non son ennemi : instruit qu’il est de ces paroles de l’Écriture : « il y a plus de gloire à vaincre sa colère, qu’à prendre une ville[1][2] ». Si donc « j’ai tiré vengeance de ceux qui me rendaient le mal, que je tombe sans gloire sous la main de mes ennemis[3] ». Il paraît en venir à l’imprécation, qui est le plus grave des serments pour tout homme qui s’écrie : « Mort à moi si je suis coupable ». Mais autre est l’imprécation dans la bouche d’un homme qui fait serment, et autre, dans le sens d’un prophète, qui annonce les malheurs dont sera infailliblement frappé l’homme qui tire vengeance du mai qu’on lui rend, mais ne les appelle ni sur lui, ni sur d’autres par ses imprécations.
4. « Que mon ennemi poursuive mon âme, et qu’il l’atteigne ( Id. 6) ». Il parle une seconde fois de son ennemi au singulier, et nous montre de plus en plus celui qu’il représentait tout à l’heure sous l’aspect d’un lion ; cet ennemi qui poursuit l’âme et s’en rend maître, s’il parvient à la séduire. Les hommes peuvent sévir jusqu’à tuer le corps, mais cette mort extérieure ne leur assujettit point notre âme, au lieu que le diable possède les âmes qu’il atteint dans ses poursuites. « Qu’il foule ma vie sur la terre », c’est-à-dire qu’il fasse de ma vie une boue qui lui serve de pâture. Car cet ennemi n’est pas seulement appelé lion, mais encore serpent ; et Dieu lui a dit : « Tu mangeras la terre », quand il disait à l’homme pécheur : « Tu es terre et tu retourneras dans la terre[4] ». « Qu’il traîne ma gloire dans la poussière » ; dans cette poussière que le vent soulève de la surface de la terre[5] : car la vaine et puérile jactance de l’orgueilleux, n’est qu’une enflure et n’a rien de solide ; c’est un nuage de poussière chassé par le vent. Le Prophète veut avec raison une gloire plus solide qui ne se réduise pas en poussière, mais qui subsiste dans la conscience et devant Dieu, qui ne souffre point la jactance. « Que celui qui se glorifie », est-il dit, « ne le fasse que dans le Seigneur[6] ». Cette stabilité se réduit en poussière quand l’homme, dédaignant le secret de la conscience, où Dieu seul nous approuve, cherche les applaudissements des hommes. De là cette autre parole de l’Écriture : « Dieu brisera les os de ceux qui veulent plaire aux hommes[7] ». Mais celui qui connaît pour l’avoir appris ou éprouvé, dans quel ordre il fait surmonter nos vices, sait bien que celui de la vaine gloire est le seul, ou du moins le plus à craindre pour les parfaits. C’est le premier ou l’âme soit tombée, c’est le dernier qu’elle peut vaincre. « Car le commencement de tout péché, c’est l’orgueil », et « le commencement de l’orgueil chez l’homme, c’est de se séparer de Dieu[8] ».
5. « Levez-vous, Seigneur, dans votre colère[9] ». Comment cet homme que nous disions parfait, vient-il exciter Dieu à la colère ? et la perfection ne serait-elle pas plutôt en celui qui dit : « Seigneur, ne leur imputez point ce crime[10]? » Mais est-ce bien sur les hommes que tombe cette imprécation du Prophète, et ne serait-ce point contre le diable et contre ses anges qui ont en leur possession le pécheur et l’impie ? C’est donc par un sentiment de pitié et non de colère, que l’on demande au Dieu qui justifie l’impie[11] d’arracher cette proie au démon. Car justifier l’impie c’est le faire passer de l’impiété à la justice, et changer cet héritage du démon en temple de Dieu. Et comme c’est châtier quelqu’un, que lui arracher une proie qu’il veut garder en son pouvoir, le Prophète appelle colère de Dieu, ce châtiment qu’il exerce contre le démon, en lui arrachant ceux qu’il possède. « Levez-vous donc, Seigneur, dans votre colère ». « Levez-vous », montrez-vous, dit-il, expression figurée, mais ordinaire dans le langage humain, comme si Dieu dormait quand il nous dérobe ses desseins. « Signalez votre puissance dans les régions de mes ennemis ». Le Prophète appelle région, ce qui est sous la puissance du démon, et il veut que Dieu y règne, c’est-à-dire qu’il y soit honoré et glorifié plutôt que noite ennemi, par la justification de l’impie, et ses chants de triomphe. « Levez-vous, Seigneur, mon Dieu, selon la « loi que vous avez portée[12] », c’est-à-dire, montrez-vous humble, puisque vous recommandez l’humilité ; accomplissez vous-même avant nous votre précepte, afin que votre exemple détruise l’orgueil, et que nous ne soyons pas au pouvoir du démon qui souffla l’orgueil contre vos préceptes, en disant : « Mangez, et vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux[13] ».
6. «

  1. Prov. 16,32
  2. selon les LXX
  3. Ps. 7,5
  4. Gen. 3,14-19
  5. Ps. 1,4
  6. 1 Cor. 1,31
  7. Ps. 52,6
  8. Sir. 10,14-15
  9. Ps. 7,7
  10. Act. 7,59
  11. Rom. 4,5
  12. Ps. 7,7
  13. Gen. 3,5