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Ne ressusciterons-nous pas aussi a la fin des siècles ? Ce corps corruptible ne se revêtira-t-il pas d’incorruptibilité, ce corps mortel d’immortalité ? Le Christ est ressuscité d’entre les morts, il ne meurt plus et la mort n’aura plus sur lui d’empire[1] ; ne ressusciterons-nous pas, si je l’ose dire, d’une façon plus admirable encore ? Sa chair est ressuscitée sans avoir été corrompue ; la nôtre sortira pleine de vie de la corruption même. Il est beau sans doute qu’il nous ait devancés pour être notre modèle et pour nous montrer ce que nous devons attendre ; mais ce n’est point là tout ce qu’avait en vue l’Apôtre en parlant, non pas de sa justice, mais de celle qui vient de Dieu, et en faisant mention de la vertu de la résurrection du Christ ; il voulait t’y faire voir ta justification. Car c’est la résurrection du Sauveur qui nous justifie, comme c’était la Pierre qui opérait la circoncision. Voilà pourquoi saint Paul a commencé par ces mots : « C’est nous qui sommes la circoncision ». Comment a-t-elle été produite ? Par la Pierre. Quelle est cette Pierre ? Le Christ. Quand a-t-elle été produite ? Le huitième jour : aussi bien est-ce en ce jour que le Seigneur est ressuscité.

13. Voilà donc, mes frères, la justice que nous devons conserver si nous l’avons, augmenter dans ce qui lui manque, et porter à sa perfection pour l’époque où on chantera : « O mort, où est ta victoire ? O mort, où est ton aiguillon[2] ? » Tout cela néanmoins doit nous venir de Dieu ; mais nous ne devons ni nous endormir, ni oublier de faire des efforts, ni négliger de vouloir. Sans volonté de ta part, ne compte pas avoir en toi la justice de Dieu. Sans doute, tu n’as d’autre volonté que la tienne ; mais tu ne peux avoir non plus de justice que de Dieu. La justice de Dieu est indépendante de ta volonté ; mais sans la vouloir tu ne l’auras pas. On t’a bien montré ce que tu dois faire, la loi fa dit : Ne fais ni ceci ni cela ; mais cela et ceci. La loi donc t’a parlé, elle t’a commandé, elle t’a montré, et si tu as de l’intelligence tu as compris ton devoir. Demande maintenant la grâce de l’accomplir, si tu connais la vertu de la résurrection du Christ. « Car il s’est sacrifié pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification[3] ». Pour notre justification ? pour nous justifier, pour nous ». rendre justes. Ainsi tu seras à double titre l’œuvre de Dieu : comme homme et comme juste. Mieux vaut pour toi être juste que d’être homme. Si donc c’est Dieu qui t’a fait homme et si c’est toi qui te rends juste, ton œuvre est préférable à celle de Dieu. Mais non ; Dieu t’a fait sans toi, car tu n’as point consenti à être créé par lui. Eh ! comment y aurais-tu consenti, puisque tu n’étais pas ? Mais s’il t’a fait sans toi, sans toi il ne te justifie pas. Il t’a donc formé sans que tu le susses, et il ne te justifie qu’autant que tu le veux. C’est lui néanmoins qui te justifies ce n’est pas toi, et tu ne dois pas retomber sur ce qui était pour toi une perte, un dommage, du fumier, mais chercher en lui, non ta propre justice, « qui vient de la loi, mais la justice qui vient de Dieu par la foi du Christ, la justice de la foi, pour le connaître, ainsi que la vertu de sa résurrection, et la participation de ses souffrances ». Ici encore tu trouveras la vertu ; la vertu sera pour toi dans la participation des souffrances du Christ.

14. Comment toutefois participer aux souffrances du Christ, sans la charité ? Ne voit-on pas, au milieu des tortures, des larrons montrer un tempérament si ferme, que loin de faire connaître leurs complices, plusieurs mêmes refusent de se nommer ? Ils sont déchirés, broyés ; ils ont les côtes brisées, les membres en lambeaux ; et rien ne peut vaincre leur obstination coupable. Qu’aiment-ils ? car il est impossible qu’ils résistent ainsi sans un ardent amour. Ne leur comparons pas toutefois celui qui aime Dieu, car on ne l’aime que par lui. Ce coupable aime autre chose, autre chose qui tient à la chair, car il est homme. Mais quel que soit l’objet de son amour, que son amour tombe sur ses complices, sur le désir de n’être pas connu ou sur la gloire qu’il attache aux crimes ; quel que soit enfin l’objet de son amour, il en avait beaucoup pour n’avoir pas cédé sous le poids des tortures. Si donc ce misérable n’a pu, sans aimer, soutenir tant de tourments, les soutenir et n’y pas succomber ; tu ne pourras non plus, sans aimer, partager les souffrances du Christ.

15. Or, quel doit être ton amour ? Il doit être charité et non cupidité. « Quand je livrerais mon corps aux flammes, est-il dit, si je « n’ai pas la charité, je n’y ai aucun profit[4] ».

  1. Rom. 6, 9
  2. 1Co. 15, 53-55
  3. Rom. 4, 25
  4. 1Co. 13, 3