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aussi le texte ajoute-t-il : « Et la charité ». L’Apôtre ici nomme trois choses : « Paix aux frères et charité avec lafoi ». – « Paix aux frères » d’où vient cette paix ? « Et charité » : d’où vient cette charité ? D’« avec la foi ». Car on n’aime pas sans croire ; et voilà pourquoi l’Apôtre a dit, en allant de la fin au commencement : « Paix, charité, avec la foi ». Disons, nous : Foi, charité, paix ; crois, aime, règne. Si tu crois sans aimer, tu ne distingues pas encore ta foi de la foi qui tremblait et qui criait : « Nous savons qui vous êtes, le Fils de Dieu ». Ainsi donc, aime ; et la charité jointe à la foi te conduira à la paix. À quelle paix ? À la paix véritable, à la paix complète, à la paix solide, à l’inaltérable paix, à la paix qui ne redoute ni malaise ni ennemi, à la paix où aboutissent tous les bons désirs. « La charité avec la foi », dit saint Paul ; quoiqu’on puisse dire aussi : La foi avec la charité.

3. Ce sont donc de grands biens, des biens précieux, que rappellent ces mots de l’Apôtre « Paix à nos frères et charité avec la foi ». Mais d’où viennent ces biens ? De nous ou de Dieu ? Dire que c’est de nous, c’est se glorifier en soi et non pas en Dieu. Mais si on connaît ces autres paroles du même Apôtre : « Celui a qui se glorifie, doit se glorifier dans le Seigneur[1] » ; on avouera que la paix et la charité avec la foi ne nous viennent que de Dieu. Je t’entends me répondre : C’est là ton assertion, mais prouve-la. – Je la prouverai, et ce sera par le témoignage du même Apôtre. Vous connaissez déjà ces paroles de lui : « Paix à nos frères et charité avec la foi ». – Mais que prouvent-elles ? – Continue à lire : « Paix à nos frères et charité avec la foi, par Dieu le Père et Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Qu’as-tu donc que tu ne l’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ? Si Abraham a été honoré, il l’a été à cause de sa foi. Or, quelle est la foi pleine et parfaite ? Celle qui croit que tous les biens, et la foi même, nous viennent de Dieu. Aussi l’Apôtre dit-il encore : « J’ai obtenu « miséricorde ». Témoignage admirable ! Il ne dit pas : « J’ai obtenu miséricorde » parce que j’étais fidèle ; mais bien : « J’ai obtenu miséricorde pour devenir fidèle[2] ».

4. Considérons ses commencements ; considérons ce Saul plein de cruauté et de fureur, respirant la haine et altéré de sang. Considérons-le, mes frères ; ce spectacle est admirable. Étienne vient de mourir, le sang de ce martyr généreux a coulé sous des masses de pierres, pendant que pour le lapider en quelque sorte par les mains de tous, Saul gardait les vêtements des bourreaux. Alors se dispersèrent les frères qui habitaient Jérusalem ; et poussé par la fureur, non content d’avoir vu couler et d’avoir versé le sang d’Étienne, Saul obtint, des princes des prêtres, des lettres pour aller jusqu’à Damas et pour ramener chargés de chaînes tous les chrétiens qu’il pourrait découvrir. Il s’en allait. Aussi le Christ n’était pas encore sa voie, et lui-même était Saul encore et non pas Paul. Il s’en allait. Qu’avait-il dans le cœur ? Quoi, sinon le mal ? Qu’on me montre ses mérites. Ce qu’il a mérité, c’est sa condamnation et non sa délivrance. Ainsi s’en allait-il exercer sa fureur sur les membres du Christ, et répandre leur sang ; mais c’était un loup qui allait devenir un vrai pasteur. Il marchait donc dans des dispositions funestes ; et pouvait-il en avoir d’autres quand il allait remplir une telle mission ? Or, pendant qu’il marche occupé de ces pensées et respirant le carnage ; pendant que la colère précipite ses pas, que la haine donne de l’agilité à ses membres ; pendant qu’il court, pendant qu’il vole pour obéir à la cruauté, voici une voix du ciel : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Ce sont ces mots qui lui ont fait dire : « J’ai obtenu miséricorde, pour devenir fidèle ». Il était vraiment infidèle : c’est peu ; à l’infidélité il joignait la cruauté ; mais il obtint miséricorde pour devenir fidèle[3]. Eh ! que répondre quand Dieu dit : Je le veux ? Quoi ! Seigneur, cet homme qui a fait tant de mal et qui cherchait à en faire encore tant à vos saints, est jugé par vous digne d’une aussi grande miséricorde ? – Je le veux. « Ton œil est-il mauvais parce que je suis bon[4] ? »

5. Ayez la foi ; mais pour l’avoir priez avec foi. Pourriez-vous néanmoins prier avec foi si déjà vous n’aviez la foi ? Il n’y a vraiment que la foi qui permette de prier. « Comment le prieront-ils, s’ils ne croient pas en lui ? Et comment y croiront-ils, s’ils n’en ont ouï parler ? Comment en ouïront-ils parler, si nul ne le prêche ? Comment enfin le prêchera-

  1. 1Co. 1, 31
  2. Id. 7, 25
  3. Act. VII-IX
  4. Mat. 20, 15