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Dieu en effet qui a tenu ce langage, c’est à cette grandeur qu’il nous invite. Puis, qu’ajoute-t-il ? « Mais vous mourrez comme des hommes, et comme un des princes vous tomberez[1] ». N’est-ce point aussi sur un ton de blâme qu’il est dit : « Mais vous mourrez comme des hommes ? » En effet, Adam était homme, il n’était pas fils de l’homme ; tandis que le Christ est en même temps fils de l’homme et Dieu. Le vieil homme, ou Adam, est pour le mensonge ; l’homme nouveau, le fils de l’homme ou le Christ Dieu est pour la vérité. Pour renoncer au mensonge, dépouille-toi d’Adam ; pour dire la vérité, revêts-toi du Christ, et tu ne verras plus de contradiction entre ces deux passages de l’Écriture. C’est effectivement pour nous engager à dépouiller le vieil homme et à revêtir le nouveau que l’Apôtre dit : « Renoncez au mensonge et dites la vérité » ; et c’était pour déplorer le sort de ceux qui en refusant de se dépouiller d’Adam et de se revêtir du Christ, voulaient rester hommes sans devenir des hommes nouveaux, que le psalmiste leur adressait ce sévère avertissement. Ceux-là méritaient qu’on leur dît : « N’êtes-vous pas des hommes ? » et encore : « Tout homme est menteur ».

3. Tu seras donc menteur, si tu veux rester homme ; refuse de rester tel, et tu ne mentiras pas. Revêts-toi du Christ, et tu diras la vérité ; car ce que tu diras alors ne sera ni de toi ni imaginé par toi, mais viendra de l’éclat même et de la lumière de la vérité dans ton âme. Une fois séparé de la lumière, ne demeurerais-tu pas dans tes ténèbres, incapable de dire que le mensonge ? Le Seigneur même l’a déclaré : « Qui parle mensonge, parle de son propre fonds[2] » ; car tout homme est menteur ». D’où il suit qu’exprimer la vérité, ce n’est point parler d’après soi, mais d’après Dieu. Ce n’est pas que nous disions alors ce qui ne nous appartient pas ; nous le faisons nôtre en l’aimant quand nous le recevons et en rendant grâces à Celui qui nous l’envoie, et sans qui l’homme, privé de la lumière de la vérité, restera comme dépouillé de ce splendide vêtement et ne pourra dire que mensonges ; attendu qu’il conservera ce qui est exprimé dans ces paroles : « Tout homme est menteur ».

4. Ainsi nul n’a le droit de m’accuser ni de me dire : Je mentirai, puisque je suis un homme ; car je lui répondrai avec la plus grande assurance : Eh bien ! pour ne pas mentir, ne reste pas homme. – Comment ? que je ne sois plus homme ? – Non. Car c’est pour n’être plus homme que tu as été appelé par Celui qui pour toi s’est fait homme. Ne critique pas : si on te dit de n’être plus homme, ce n’est pas pour te mettre au nombre des animaux, mais au nombre de ceux à qui a été donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu[3]. Car Dieu veut faire de toi un dieu, non par nature, comme le Fils qu’il a. engendré, mais ; par sa grâce et en t’adoptant. De même en effet que par condescendance il est devenu participant de ta mortalité ; ainsi en t’élevant il te fait participer à son immortalité. Ah ! rends-lui grâces et saisis avec empressement ce qu’il te donne, afin de mériter de jouir de ce qu’il te promet. Ne sois pas un Adam et tu ne resteras plus homme ; et n’étant plus homme, tu ne seras plus menteur, puisque « tout homme est menteur ». Et quand tu auras commencé à ne plus mentir, ne te l’attribue pas, ne t’élève pas, comme si c’était par toi-même : pareil à un flambeau qu’on vient d’allumer au foyer, tu pourrais t’éteindre au souffle de l’orgueil et retomber dans tes erreurs. Gardez-vous donc de mentir, mes frères ; vous étiez ci-devant le vieil homme ; en recevant la grâce de Dieu vous êtes devenus l’homme nouveau. Le mensonge vient d’Adam, la vérité vient du Christ. « Renoncez donc au mensonge et dites la vérité », afin qu’une fois votre esprit renouvelé, cette chair mortelle elle-même, qui vous vient d’Adam, mérite à son tour d’être renouvelée et changée au moment où elle ressuscitera ; et que déifié ainsi tout entier, l’homme s’attache également tout entier à l’immortelle et immuable vérité.

  1. Psa. 81, 6-7
  2. Jn. 8, 44
  3. Jn. 1, 12