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de ses actes ; revêtez-vous du nouveau, lequel a été créé conforme à Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité[1] ». Ainsi donc chantez au Seigneur un cantique nouveau, que toute la terre chante au Seigneur ». Chantez et bâtissez, chantez et chantez bien. « Annoncez son salut, le jour engendré du jour : annoncez le jour issu du jour », son Christ. Et quel est son salut, sinon aussi son Christ ? C’est pour l’obtenir que nous disions dans un autre psaume : « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde, et donnez-nous votre salut[2] ». C’est après ce Salut que soupiraient les anciens justes dont le Seigneur disait à ses disciples : « Beaucoup ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pu[3] ». – « Et donnez-nous votre Salut ». Ces anciens disaient aussi : « Donnez-nous votre Salut », accordez-nous de voir votre Christ pendant que nous vivons dans ces corps de chair. Voyons-le dans la chair, puisqu’il doit nous en délivrer ; donnez cette chair qui doit sanctifier la chair, et qu’elle souffre pour racheter l’âme aussi bien que le corps. « Et donnez-nous votre Salut ». Tel était le désir du saint vieillard Siméon ; ah ! oui, il avait ce désir, ce saint vieillard comblé de mérites auprès de Dieu ; lui aussi répétait sans doute : « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde et donnez-nous votre salut » : et c’est quand il traduisait ses veaux par ces soupirs qu’il fut assuré de ne pas goûter la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Le Christ donc naquit ; il venait et le vieillard s’en allait, mais celui-ci ne voulait pas quitter avant de l’avoir vu. La maturité de la vieillesse l’entraînait, mais sa piété sincère le retenait. Et dès que le Christ fut descendu, fut né ; dès que Siméon le vit entre les bras de sa mère, ce pieux vieillard reconnut le divin enfant, il le prit dans ses mains et s’écria : « Maintenant, Seigneur, vous, laissez votre serviteur aller en paix : car mes yeux ont vu votre salut[4] ». Voilà dans quel sens il disait : « Montrez-nous, Seigneur, votre miséricorde, et donnez-nous votre Salut ». Les veaux du vieillard se trouvèrent ainsi accomplis, quand le monde lui-même touchait à la vieillesse ; le Sauveur se donnait à ce vieillard, au moment où il visitait ce vieux monde. Mais si dès lors le monde était vieux, qu’il prête l’oreille à cet avertissement : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; que toute la terre le chante au Seigneur ». À bas la vétusté, vive la nouveauté.

5. « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; oui, chantez au Seigneur ». Voyez avec quelle émulation travaillent les constructeurs. « Chantez au Seigneur. – Bénissez son nom. – Publiez la bonne nouvelle », en grec l’Évangile. Prêchez. Quoi ? – « Le jour qui naît du jour ». Quel est-il ? « Le Salut de Dieu ». Quel est encore ce jour qui naît du jour ? C’est la lumière qui naît de la lumière, le Fils qui naît du Père, c’est son Salut. Publiez sa gloire parmi tous les peuples ; ses merveilles au sein des nations ». C’est ainsi que se bâtit le temple après la captivité. « Le Seigneur est terrible par-dessus tous les dieux ». Quels dieux ? « Tous les dieux des nations, qui ne sont que les démons, tandis que le Seigneur a fait les cieux[5] » ; il a fait les saints, les Apôtres, ces cieux qui racontent la gloire de Dieu. Il n’est point d’idiomes, point de langues qui n’entendent leur voix, et leur parole s’est répandue par toute la terre[6] » ; aussi toute la terre chante-t-elle le cantique nouveau.

6. Prêtons donc l’oreille à cet Apôtre qui se nomme l’architecte du Seigneur : « Comme un sage architecte, dit-il, j’ai établi le fondement » ; écoutons cet architecte, édifiant d’une part et détruisant de l’autre. « Conduisez-vous par l’esprit », c’est une construction nouvelle ; « et n’accomplissez point les désirs de la chair », c’est comme une démolition. « Parce que la chair, poursuit-il, convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair. Ils sont opposés l’un à l’autre, et vous « ne pouvez faire tout ce que vous voulez » ; preuve que vous construisez encore et que vous ne faites pas la dédicace du temple. « Et vous ne faites pas tout ce que vous voulez ». Que voudriez-vous, en effet ? N’éprouver absolument plus aucun penchant pour les plaisirs déréglés et coupables. Est-il un saint qui ne forme un tel veau ? Mais il ne le réalise pas, ce vœu ne s’accomplit point durant la vie présente. « La chair y convoite contre l’esprit, « et l’esprit contre la chair. Ils sont opposes l’un à l’autre, et vous ne faites pas tout ce que vous voulez » ; vous ne pouvez arriver à

  1. Col. 3, 9-10 ; Eph. 4, 22-24
  2. Psa. 84, 8
  3. Luc. 10, 24
  4. Luc. 2, 26-30
  5. Psa. 95, 1-5
  6. Psa. 18, 2.4-5