Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome VII.djvu/71

Cette page n’a pas encore été corrigée

contre elle. « En effet, dit l’Apôtre, nous sommes le temple du Dieu vivant ; aussi le Seigneur déclare-t-il : J’habiterai en eux et j’y marcherai ». Les idoles qui étaient ici pourraient bien y demeurer fixées, elles ne pouvaient marcher. Quant à la Majesté suprême, elle est en mouvement dans nos cœurs, pourvu qu’ils soient élargis par la charité. C’est à quoi nous exhorte l’Apôtre par ces mots : « Dilatez-vous pour ne traîner pas le même joug que les infidèles[1] ». Oui, Dieu marche en nous si nous nous dilatons ainsi ; mais il faut qu’il travaille à nous dilater lui-même. Si c’est effectivement la charité qui nous dilate, et la charité ne resserre jamais, n’est-ce pas Dieu qui produit en nous cet élargissement, puisque l’Apôtre enseigne que « la charité a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné[2] ? » N’oublions pas que cette dilatation du cœur fait que Dieu marche en nous.

2. Pendant qu’on lisait l’Épître de l’Apôtre, voici ce que nous avons entendu : « Marchez selon l’Esprit et n’accomplissez point les désirs de la chair. La chair en effet convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair ; car ils sont opposés l’un à l’autre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez ». C’est à des baptisés que saint Paul parlait ainsi n’était-ce pas bâtir, sans dédier encore le temple ? Que se passe-t-il, mes frères, lorsqu’on consacre à de plus nobles usages des édifices terrestres ? On abat et on tranche d’un côté, pendant qu’on améliore de l’autre. Ainsi en est-il de nous. Il y avait en nous des œuvres charnelles et vous venez d’entendre l’Apôtre en faire une énumération. « On connaît aisément, dit-il, les œuvres de la chair, qui sont la fornication, l’impureté, l’idolâtrie, les empoisonnements[3], les inimitiés, les contestations, les sectes, les envies, les ivrogneries et autres semblables ». Voilà qui est à détruire et non pas à améliorer ; aussi saint Paul ajoute-t-il : « Je vous le déclare comme je l’ai déclaré déjà, ceux qui se livrent à de tels désordres n’obtiendront pas le royaume de Dieu ». Anéantissons en nous ces vices comme on brise des idoles. Quant aux membres de notre corps, ce sont eux qu’il faut consacrer à de plus nobles usages, en les employant au service glorieux de la charité, quand ils ont trop agi dans l’intérêt honteux de la cupidité.

3. Remarquez, cependant, et examinez avec soin la pensée de l’Apôtre. Nous sommes les ouvriers de Dieu occupés encore à la construction de son temple. Ce temple néanmoins est déjà dédié dans la personne de notre Chef. Le Seigneur en effet n’est-il pas ressuscité d’entre les morts après avoir vaincu la mort, et n’est-il pas monté au ciel après avoir fait disparaître en lui tout ce qu’il y avait de mortel ? Aussi c’est pour lui qu’était écrit le psaume de la dédicace, et s’il dit après sa passion : « Vous avez changé mes gémissements en joie, vous avez déchiré mon cilice et vous m’avez revêtu d’allégresse, afin que ma gloire vous chante et que mon bonheur ne cesse jamais[4] », c’est que cette dédicace s’est accomplie après la passion, à la résurrection même. Il est donc bien vrai que maintenant la foi bâtit le temple et que la dédicace s’en fera à la résurrection dernière. Voilà pourquoi ce psaume de la dédicace où est révélée la résurrection de notre Chef, est suivi, non pas précédé, d’un autre psaume qui a pour titre : « Quand on construisait la maison, après la captivité ». Rappelez-vous ici cet esclavage où nous gémissions pendant que le monde entier, comme une masse d’infidélité, était sous la tyrannie du démon. C’est pour détruire cet esclavage que le Rédempteur est venu, qu’il a versé tout son sang et qu’après avoir ainsi payé notre rançon il a effacé les titres de notre captivité. « La loi, dit l’Apôtre, est spirituelle ; mais moi je suis charnel, vendu et assujetti au péché[5] ». Oui, nous étions d’abord vendus et assujettis au péché, mais nous sommes depuis délivrés parla grâce ; et maintenant que nos fers sont rompus, le temple se bâtit. N’est-ce pas pour le bâtir que l’on prêche l’Évangile ? Aussi le psaume que nous venons d’indiquer, commence ainsi : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ». Ne t’imagine point que ce temple se bâtit à l’écart, comme bâtissent les hérétiques ou les schismatiques ; car voici ce qui suit : « Toute la terre, chantez au Seigneur[6] ».

4. « Chantez au Seigneur un cantique nouveau », différent du cantique ancien : c’est le Nouveau Testament succédant à l’Ancien ; c’est le nouvel homme remplaçant le vieil homme. « Dépouillez-vous du vieil homme, est-il dit, et

  1. 2Co. 6, 16.13-14
  2. Rom. 5, 5
  3. Veneficia, non beneficia, id est, non a bonis dicta, sed a venenis
  4. Psa. 29, 12-13
  5. Rom. 7, 14
  6. Psa. 95, 1