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bouche de Dieu il ne fait pas trembler ? Ah ! il doit nous faire trembler davantage, mais à la condition que nous aimerons ; point de terreur, si nous n’aimons. Nous tremblons pourtant, mais comme des esclaves, dans la crainte du feu de l’enfer, des épouvantables menaces du tartare, des anges pervers et effrayants qui sont aux ordres du diable, et de ses affreux supplices. Eh bien ! craignons au moins cela. Si nous aimons peu le bien, redoutons au moins ces atroces malheurs.

11. Loin donc de tous les fornications. « Vous êtes le temple de Dieu, et l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra[1] ». Le mariage est permis ; ne cherchez pas au-delà. Ce fardeau n’est pas trop lourd. Par un amour plus grand les vierges ont pris un plus lourd fardeau. Pour plaire davantage au cœur à qui elles se sont vouées, elles ont renoncé à ce qui leur était permis, ambitionnant ainsi pour leur âme une beauté plus grande. Il semble qu’elles aient dit au Seigneur : Que commandez-vous ? Vous commandez que nous ne soyons pas adultères ? Eh bien ! pour l’amour de vous, nous faisons davantage. « Quant à la virginité, dit l’Apôtre, je n’ai pas reçu d’ordre du Seigneur ». Pourquoi donc l’embrasser ? Mais je donne un conseil[2] ». Ainsi ces âmes aimantes, qui dédaignent les noces d’ici-bas, et qui ne veulent point de terrestres embrassements, prennent pour elles, non-seulement le précepte, mais encore le conseil : c’est que pour se rendre plus agréables elles veulent s’embellir davantage. En effet, plus on recherche les ornements du corps, ou de l’homme extérieur, plus l’âme perd de sa grâce ; et la beauté des mœurs l’orne d’autant plus, qu’elle convoite moins les embellissements extérieurs. Aussi saint Pierre dit-il lui-même : « Qu’elles se parent, non pas d’une chevelure artistement arrangée ». À ces premiers mots : « Qu’elles se parent », les âmes sensuelles ne s’imaginaient-elles point qu’il était question d’ornements visibles ? Mais cette pensée suggérée par la vanité doit bientôt disparaître. « Qu’elles se parent, non pas avec des cheveux artistement arrangés, ni de l’or, ni des pierreries, ni des habits somptueux ; mais qu’elles ornent l’homme intérieur et caché, lequel est de si haut prix devant Dieu[3] ». Dieu effectivement n’aurait pas préparé des ornements pour l’homme extérieur et laissé l’homme intérieur dans le dénuement ; aussi à l’âme invisible a-t-il donné des trésors et des ornements invisibles.

12. Avides de se procurer ces saintes parures, les vierges chrétiennes n’ont point désiré ce qui leur était permis, elles n’y ont même pas consenti quand on les contraignait. Dans combien d’entre elles le feu de l’amour divin a-t-il triomphé des violences de leurs parents ! Le père s’irritait, la mère était en larmes ; mais l’enfant s’élevait au-dessus de tout, parce qu’elle avait sous ses yeux « le plus beau des enfants des hommes[4] ». Pour lui donc elle voulait se parer, afin de ne plus s’occuper que de lui. Car si « la femme mariée pense aux choses du monde, comment elle plaira à son mari ; celle qui ne l’est pas songe aux choses de Dieu, comment elle peut plaire à Dieu[5] ». Voilà ce que c’est qu’aimer. L’Apôtre ne dit pas : Elle pense comment elle échappera à être condamnée par Dieu. Ce serait encore la crainte servile. Crainte préservative, elle éloignerait ces âmes du mal, pour les rendre dignes de recevoir l’esprit de charité. Ces âmes toutefois ne cherchent pas comment elles éviteront les châtiments divins, mais comment elles plairont à Dieu, comment elles lui plairont par les charmes intérieurs, par les grâces secrètes, par la beauté du cœur, découvert à ses yeux. C’est là seulement et non dans le corps, qu’elles sont à découvert, toujours pures d’ailleurs, et dans le corps et dans l’âme. Que l’exemple de ces vierges apprenne au moins aux époux et aux épouses à éviter l’adultère. Si les premières font plus qu’il n’est commandé, que les autres du moins fassent ce qui l’est.

  1. 1Co. 3, 16-17
  2. 1Co. 7, 25
  3. 1Pi. 3, 3-4 ; 1Ti. 2, 9-10
  4. Psa. 44, 3
  5. 1Co. 7, 34