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SERMON CLX.
SE GLORIFIER DE JÉSUS-CHRIST[1].

ANALYSE. – Il est des hommes qui se glorifient de leurs propres mérites. Ils ne comprennent rien à la religion, car elle veut que nous nous glorifions seulement de Jésus-Christ. En effet, premièrement, il n’y a rien en lui dont nous puissions rougir, puisqu’il possède toutes les perfections divines. Secondement, s’il a subi les humiliations et les outrages de la croix, c’était pour notre salut, et nous avons besoin, pour arriver à la gloire éternelle, d’épuiser nous-mêmes la coupe des ignominies. Gardons-nous donc de rougir de la croix ; sachons nous en glorifier ; c’est pour cela que nous la portons gravée sur notre front. Évitons aussi de nous glorifier de nos mérites, et ne soyons fiers enfin que de la croix de Jésus-Christ.

1. L’Apôtre vient de nous rappeler que celui qui se glorifie doit se glorifier du Seigneur ; et en nous adressant au Seigneur lui-même nous avons dit à notre tour : « Délivrez-moi et sauvez-moi dans votre justice[2] ». Ainsi se glorifier du Seigneur, c’est se glorifier, non pas de son propre mérite, mais de la justice du Seigneur même. Cette justice semble ignorée de ceux qui se glorifient de la leur, et ce désordre s’est révélé principalement dans la personne des Juifs qui rejettent le Nouveau Testament et qui conservent le vieil homme. C’est en vain, c’est sans profit aucun qu’ils ont lu et chanté dans leurs livres : « Sauvez-moi par votre justice ; car méconnaissant la justice de Dieu et voulant établir la leur, ils ne sont point soumis à la divine justice ». Que nul donc, fût-il juste, ne se glorifie de sa justice ; car on pourrait lui dire : « Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu[3] ? » Et si on se glorifie, « qu’on se glorifie du Seigneur ». Est-il rien de plus sûr que de se glorifier de Celui dont personne absolument ne peut rougir ? En effet, si tu mets ta gloire dans un homme, tu peux rencontrer en lui quelque motif, des motifs même nombreux de confusion pour toi. Or dès que tu ne dois te glorifier d’aucun homme, tu dois t’abstenir aussi de te glorifier de toi-même, attendu que tu n’es pas autre chose qu’un homme. Que dis-je ? il n’y a rien de plus insensé, rien de plus détestable que de te glorifier ainsi en toi-même. Mets ta gloire dans un homme juste et sage, celui-ci ne la met pas pour cela en lui-même ; au lieu qu’en la mettant en toi tu n’es ni sage ni juste ; et s’il est interdit de la mettre même dans un homme sage, comment la placer dans un insensé ? Or, on est sûrement insensé dès qu’on la place en soi ; ce seul acte suffit pour le prouver. Ah ! si l’on se glorifie, qu’on se glorifie dans le Seigneur ; rien n’est plus sûr, rien n’est moins exposé, et si tu le peux, tu as à quoi t’attacher, tu n’auras jamais à rougir. Quel défaut peut-on signaler dans cet objet sacré de tes préférences ? Aussi l’homme illustre qui s’écriait : « Sauvez-moi », non pas avec ma justice, « mais avec la vôtre », venait de dire : « Seigneur, j’ai mis en vous ma confiance ; à jamais je ne serai confondu[4] ».

2. Aussi d’où est venu l’égarement des Juifs et quel est le désordre qui les a éloignés des grâces de l’Évangile ? N’est-ce pas uniquement celui que je viens de rappeler, et l’Apôtre ne l’a-t-il pas dit formellement ? « Je leur rends, dit-il, ce témoignage, qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais non pas selon la science ». Voilà tout à la fois un éloge et un blâme. De quoi les blâme-t-on ? De ce que tout en ayant du zèle pour Dieu, ils ne règlent pas ce zèle sur la science. Ensuite, comme si nous consultions l’Apôtre, comme si nous lui disions : Que signifie ce zèle qui ne se règle pas sur la science ? Quelle est la science que n’ont pas ces hommes zélés pour Dieu ? Veux-tu le savoir ? semble-t-il reprendre, remarque ce qui suit : « C’est qu’ignorant la justice de Dieu et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas dépendants de la justice de Dieu[5] ». C’est pourquoi, si tu as du zèle pour Dieu, si tu veux le régler sur la science et entrer dans l’alliance nouvelle dont les Juifs n’ont pu faire partie, parce que leur zèle n’était pas conforme à la science, reconnais la justice de Dieu, et garde-toi, si tu es quelque

  1. 1Co. 1, 31
  2. Psa. 70, 2
  3. 1Co. 4, 7
  4. Psa. 70, 1
  5. Rom. 10, 2-4