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« Pardonnez, et on vous pardonnera ; donnez et on vous donnera[1] ». Telles sont les deux des ailes sur lesquelles la prière s’élève jusqu’à Dieu : pardonner à qui nous offense, et donner à qui est dans le besoin. ».


SERMON CCVI. POUR LE CARÊME. II. LA PRIÈRE, L’AUMÔNE, LE JEÛNE.

ANALYSE. – Le chrétien doit en tout temps s'appliquer à la prière, à l'aumône et au jeûne ; il le doit surtout en Carême. Que dans ces jours si rapprochés des humiliations du Sauveur il ne craigne donc pas de s’humilier plus profondément devant lieu. Qu'il pratique plus parfaitement la charité, soit en donnant, soit en pardonnant. Enfin qu'il ait grand soin d'accompagner son jeûne de la pratique de toutes les vertus, et plus sûrement ses prières seront exaucées.

1. Voici le retour annuel du temps de Carême ; nous vous y devons une exhortation spéciale, comme à votre tour vous devez à Dieu des œuvres en harmonie avec l’époque, quoique ces œuvres ne puissent être d’aucune utilité au Seigneur, mais à vous seulement. En tout autre temps, il est vrai, le chrétien doit être plein d’ardeur pour la prière, le jeûne et l’aumône ; mais cette grande époque du Carême doit réveiller la ferveur de ceux mêmes qui la laissent s’éteindre aux autres moments, et la ranimer encore dans ceux qu’elle porte constamment à ces œuvres chrétiennes. Toute cette vie doit être pour nous un temps d’humiliation ; aussi est-elle figurée par cette époque solennelle où chaque année le Christ semble renouveler pour nous les souffrances qu’il a réellement endurées. Ce qu’il a fait une fois dans l’espace de tous les siècles, pour renouveler notre vie, est célébré chaque année pour en perpétuer la mémoire. Si donc, durant tout ce pèlerinage que nous traversons au milieu des épreuves, nous devons être sincèrement, affectueusement et pieusement humbles de cœur, à combien plus forte raison durant ces quelques jours qui sont tout à la fois une portion et un emblème mystérieux du temps que nous devons passer dans l’humilité ! En se laissant mettre à mort par les impies, l’humilité du Christ nous a appris à être humbles ; et en devançant, par sa Résurrection, la résurrection des fidèles pieux, il nous élève jusqu’à lui. « Si nous tommes morts avec lui, dit son Apôtre, nous vivrons aussi avec lui ; si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons[2] ». De ces deux parts de notre existence nous consacrons pieusement à l’une, comme nous le devons, le temps présent, quand nous approchons en quelque sorte de sa Passion ; et à l’autre, le temps, qui suit Pâques, quand il est en quelque sorte ressuscité. Alors en effet, quand sont écoulés les jours de nos humiliations actuelles, si nous ne pouvons voir encore réellement l’heureuse époque de notre triomphe ; nous aimons à nous la représenter et à la méditer d’avance. Maintenant donc que nos gémissements soient plus profonds dans la prière, et nos joies seront alors plus abondantes dans l’action de grâces.

2. Mais pour donner à nos prières un essor plus facile et les faire arriver jusqu’à Dieu, attachons-y les ailes de la piété, l’aumône et le jeûne. Comme un chrétien comprend vivement l’obligation de ne pas usurper le bien d’autrui, quand il sent que c’est une espèce de larcin de ne pas donner son superflu à celui qui est dans le besoin ! « Donnez et on vous donnera, dit le Seigneur ; remettez aussi et on vous remettra[3] »

  1. Luc. 6, 37
  2. 2Ti. 2, 11-12.
  3. Luc. 6, 37-38