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instruits par la langue des Apôtres ; ils le furent, eux, par une étoile, interprète du ciel. Les mêmes Apôtres, comme s’ils eussent été le ciel, nous ont raconté la gloire de Dieu [1]. Pourquoi d’ailleurs ne verrions-nous pas en eux le ciel, puisqu’ils sont devenus le trône de Dieu, conformément à ces paroles de l’Écriture : « L’âme du juste est le siège de la sagesse[2] ? » N’est-ce point dans ce ciel que Celui qui a créé et qui habite le ciel, a fait retentir son tonnerre et trembler l’univers entier, lequel maintenant est croyant ? O mystère étonnant ! Il était couché dans une crèche, et d’Orient il amenait les Mages ; il était caché au fond d’une étable, et proclamé du haut du ciel, afin qu’ainsi proclamé dans le ciel on le reconnût dans l’étable, ce qui a fait donner à ce jour le nom d’Épiphanie, c’est-à-dire manifestation. Ainsi mettait-il en relief et sa grandeur et son humilité ; car si les astres le révélaient au loin dans le ciel, il fallait le chercher pour le trouver dans un étroit réduit ; et s’il était faible dans ce petit corps et enveloppé des langes de l’enfance, il n’en était pas moins adoré par les Mages et redouté des méchants.

2. Car Hérode le redouta lorsqu’il eut entendu les Mages, encore à la recherche de ce petit Enfant dont le ciel leur avait attesté la naissance. Eh ! que sera son tribunal quand il viendra nous juger, puisque des rois superbes ont ainsi tremblé devant le berceau de son enfance muette ? Que les rois aujourd’hui sont bien mieux inspirés, puisqu’au lieu de chercher, comme Hérode, à le mettre à mort, ils sont heureux de l’adorer comme les Mages ; maintenant surtout qu’en subissant pour ses ennemis et de la part de ses ennemis la mort dont nous menaçait l’ennemi, il l’a étouffée dans son propre corps ! Toutefois, si un roi impie a tremblé devant lui quand il prenait encore le sein de sa Mère ; maintenant qu’il siège à la droite de son Père, que les rois aient pour lui une crainte pieuse. Qu’ils écoutent ces paroles : « Et maintenant, ô rois, comprenez, instruisez-vous, vous qui jugez la terre ; servez le Seigneur avec crainte, et réjouissez-vous en lui avec frayeur [3] ». En effet ce grand Roi qui châtie les rois impies et qui dirige les rois pieux, n’est pas né comme naissent les rois de la terre, attendu que 50 couronne ne lui vient pas de ce monde. Sa grandeur se manifeste dès sa naissance dans la virginité de sa Mère, comme la grandeur de sa Mère éclate dans la divinité de son Fils. Si donc de tant de rois qui sont nés et qui sont morts parmi les Juifs, il n’en est aucun autre que des Mages aient cherché pour l’adorer, c’est qu’il n’en est aucun autre que leur ait fait connaître le langage des cieux.

3. N’oublions pas toutefois combien ce rayonnement de la vérité dans l’esprit des Mages fait ressortir l’aveuglement des Juifs. Les premiers venaient voir le Messie dans le pays de ceux-ci, et ceux-ci ne l’y voyaient point. Ils le trouvèrent parmi eux sous la forme d’un enfant sans parole, et eux le renièrent quand il enseignait en leur présence. Accourus de loin, des étrangers adorèrent parmi eux le Christ dans un enfant quine disait rien encore ; et eux, ses concitoyens, le crucifièrent dans la vigueur de l’âge et lorsqu’il faisait des miracles. Les uns le reconnurent pour leur Dieu malgré la faiblesse de ses membres, et les autres n’épargnèrent pas même son humanité, malgré la puissance de ses œuvres. Mais devait-on être plus frappé de voir une étoile nouvelle briller au moment de sa naissance, que de voir le soleil s’obscurcir au moment de sa mort ? Il est vrai, l’étoile qui conduisit les Mages à l’endroit même où était le Dieu-Enfant avec la Vierge sa Mère, et qui pouvait également les conduire jusqu’à la ville où il était né, disparut tout à coup et ne se montra plus 1 eux pour le moment. Ils durent interroger les Juifs sur le nom de la cité où devait naître le Christ, leur demander ce que disaient sur ce point les divines Écritures ; et les Juifs durent répondre : « À Bethléem de Juda ; car voici ce qui est écrit : Et toi, Bethléem, terre de Juda tu n’es pas la moindre des principales villes de Juda, puisque de toi sortira le Chef qui conduira mon peuple d’Israël[4] ». La divine Providence ne voulait-elle pas nous montrer par là que les Juifs ne conserveraient plus que les saints livres, pour éclairer les Gentils et s’aveugler eux-mêmes ; et qu’ils les porteraient dans le monde, non point comme un moyen de salut pour eux, mais comme un témoignage du salut qui nous serait accordé ? Aussi, quand aujourd’hui nous citons les antiques

  1. Psa. 18, 1.
  2. Sag. VII.
  3. Psa. 2, 10-11.
  4. Mat. 2, 1-6.