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le dirait d’aucun homme absolument. Que ces esprits superficiels publient sur les naissances humaines ce que leur suggère leur défaut de sens ; qu’ils nient en eux l’existence de la liberté quand ils pèchent ; qu’ils imaginent je ne sais quelle fatalité pour excuser leurs crimes ; qu’ils travaillent à faire remonter jusqu’au ciel même les désordres qui les font détester par les hommes sur la terre ; qu’ils multiplient les mensonges pour en rejeter la responsabilité sur les astres : au moins que nul d’entre eux ne perde de vue comment il croit pouvoir régler, non pas sa vie, mais sa famille, quelque autorité qu’il y possède. Eh ! pourrait-il, avec ce sentiment, frapper ses esclaves lorsqu’ils lui manquent dans sa demeure, sans avoir dû préalablement blasphémer contre ses dieux qui brillent au haut du ciel ?

Cependant ni les vains raisonnements de ces hommes, ni les livres qui sont pour eux, non pas des livres révélateurs mais sûrement des livres menteurs, ne leur permettent de croire que le Christ soit né sous l’empire des astres, parce qu’à sa naissance les Mages virent une étoile en Orient. Cette apparition prouve au contraire que loin d’être dominé par elle, le Christ dominait cette étoile. Aussi ne suivait-elle point dans le ciel la route ordinaire des étoiles, puisqu’elle conduisit jusqu’au lieu même où venait de naître le Christ ceux qui le cherchaient pour l’adorer. Ce n’est donc pas à elle qu’on doit rapporter la vie admirable du Christ, c’est au Christ plutôt qu’il faut attribuer la merveille de son apparition ; elle ne fut point l’auteur des miracles du Christ, le Christ montra au contraire qu’elle était un de ses miracles. Fils du Père, c’est lui qui a formé le ciel et la terre ; comme Fils de sa mère, il fit briller dans le ciel un nouvel astre aux yeux de la terre. Si une nouvelle étoile répandit à sa naissance une lumière nouvelle, l’antique lumière du monde s’éclipsa à sa mort dans le soleil même. Les cieux à sa naissance rayonnèrent d’une gloire nouvelle, comme les enfers à sa mort furent saisis d’une nouvelle frayeur, comme les disciples à sa Résurrection se sentirent embrasés d’un nouvel amour, comme en s’ouvrant à son Ascension l’empyrée lui rendit un hommage nouveau.

Ainsi donc célébrons avec pompe et avec dévotion le jour où le Christ fut reconnu et adoré des Mages de la gentilité[1] ; comme nous célébrions cet autre jour où les pasteurs de la Judée vinrent le contempler après sa naissance[2]. C’est lui, le Seigneur notre Dieu, qui a choisi dans la Judée des pasteurs, c’est-à-dire ses Apôtres, afin de recueillir par eux les pécheurs de la gentilité pour les sauver.


SERMON CC. POUR L’ÉPIPHANIE. II. GRANDEUR DU CHRIST.

ANALYSE. – Tout ici proclame la grandeur du Christ. C’est d’abord l’adoration des Mages et l’apparition de l’étoile miraculeuse ; c’est en second lieu la frayeur d’Hérode qui tremble sur son trône, au lieu que plus sages aujourd’hui les rois de la terre sont devenus les serviteurs du Christ ; c’est en troisième lieu le témoignage que les Juifs rendent au Messie, quoiqu’ils condamnent pu là leur propre conduite ; c’est enfin l’union que Jésus commence à former, en se les attachant, entre les Juifs fidèles et les gentils qui se convertissent.

1. Des Mages sont venus d’Orient pour adorer l’Enfant de la Vierge. Voilà le motif de la tête d’aujourd’hui, voilà pourquoi cette solennité et ce discours, qui sont pour nous une dette. Les Mages virent d’abord ce jour ; devant nous il est ramené chaque année par la fête. Ils étaient les premiers de la gentilité ; nous en sommes le peuple. Nous avons été

  1. Mat. 11, 1-11.
  2. Luc. 2, 8-20.