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ce au nom de Paul que vous avez reçu le baptême[1] ? » Vois comme il refuse les honneurs dus au Christ, comme il est éloigné de vouloir prendre la place de l’Époux aux yeux de l’âme infidèle. N’y a-t-il pas du mérite à planter et à arroser ? Cependant « ni celui qui plante, ni celui qui arrose ne sont quelque chose ». Comme il a peur ! Il n’est rien pour le salut de ces âmes qu’il désirait avec tant d’ardeur faire progresser dans les voies du Christ.

4. Il ne voulait pas non plus qu’on espérât en lui, mais seulement dans la vérité dont il était le héraut. Ce qu’il disait valait mieux que lui. « Si nous-mêmes », écrivait-il ; ce n’est pas assez, écoute ce qui suit : « ou un ange vous évangélisait, du haut du ciel, autrement que vous n’avez été évangélisés, qu’il soit anathème[2] ! » Il savait qu’un faux médiateur pouvait se transformer en ange de lumière et prêcher le mensonge. Des hommes superbes cherchent à se faire adorer à la place de Dieu, à se faire attribuer tout ce qu’ils peuvent, à prendre le nom du Christ, à recevoir même, s’ils le pouvaient, plus de gloire que lui : ainsi font le démon et ses anges. Pour les Donatistes, Donat n’est-il pas le Christ ? Entendent-ils un païen outrager le Christ ? ils pourront montrer plus de patience que de l’entendre outrager Donat.

5. Cependant le Christ parle dans ses saints. « Voulez-vous éprouver, dit saint Paul, Celui qui parle en moi, le Christ[3] ? » Le même Apôtre disait sans doute aussi : « Ni celui qui plante, ni celui qui arrose ne sont quelque chose, mais Dieu, qui donne l’accroissement ». C’était pour attirer les affections, non pas sur lui, mais sur Dieu en lui. Il ne rend pas moins à plusieurs le témoignage suivant : « Vous m’avez reçu comme un ange de Dieu, comme Jésus-Christ même[4] ». C’est le Christ donc qu’il faut aimer dans ses saints ; aussi a-t-il dit : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger[5] » ; non pas : Vous leur avez donné, mais : « Vous m’avez donné » ; tant est vif l’amour du Chef pour son corps !…

6. Qu’est-ce que Junon ? Junon, disent-ils, est l’air. On voulait tout à l’heure nous faire adorer la mer dans un simulacre de terre ; c’est maintenant pour l’air qu’on réclame nos hommages. Mais ce sont là des éléments dont ce monde est composé, et l’apôtre saint Paul parle ainsi de ce sujet dans une de ses épîtres « Prenez garde que personne ne vous séduise par la philosophie, par des raisonnements faux et trompeurs, à propos des éléments du monde[6] ». Ainsi faisait-il allusion à ces esprits qui prétendent expliquer aux sages le sens des idoles. Voilà pourquoi il rapproche de la philosophie, les éléments du  ; il veut qu’on évite, non pas précisément les adorateurs des idoles en général, mais ceux qui paraissent en interpréter plus savamment la signification.


SERMON CXCVIII. POUR LE PREMIER JANVIER. II. ÉTRENNES DES CHRÉTIENS.

ANALYSE. – Vous venez de demander à Dieu de vous séparer des gentils ; séparation qui doit s’entendre, non de la séparation des corps, mais de la séparation des mœurs. Or les gentils se livrent aujourd’hui à des divertissements indignes d’un chrétien, et se donnent réciproquement des étrennes. Mieux inspirés, faites l’aumône et livrez-vous aux exercices de piété.

1. En vous voyant réunis aujourd’hui comme pour un jour de fête et plus nombreux que de coutume, nous invitons votre charité à se rappeler ce qu’elle vient de chanter, à n’avoir pas le cœur muet quand la langue parle si haut, à porter avec ardeur jusqu’aux oreilles de

  1. 1Co. 1, 13
  2. 1Co. 1, 13
  3. Gal. 1, 8
  4. Gal. 4, 14.
  5. Mat. 25, 35.
  6. Col. 2, 8.